Kock, 5 octobre 1939
« La capitale polonaise ne capitula que le 27 septembre [1939], la place-forte de Hell, sur la mer Baltique, résista jusqu’au 2 octobre, et la dernière ville à tomber aux mains de l’ennemi fut Kock le 5 octobre. Face aux 66 000 morts et près de 134 000 blessés dans les combats de la Campagne de septembre côté polonais, les Allemands eurent plus de 17 000 morts et 40 000 blessés, ce qui n’est pas rien.
La Pologne, elle, ne capitula jamais. Une partie des forces polonaises furent évacuées par la Hongrie, liée à la Pologne par une amitié séculaire qui fut plus forte, tout au long de la guerre, que l’alliance de circonstance de Budapest avec Berlin, vers la Roumanie, qui était alors neutre. Ces forces polonaises rejoignirent le front de l’ouest et prirent part à la campagne de mai 1940 et aux autres campagnes menées par les Alliés jusqu’en 1945. Les pilotes polonais jouèrent pour leur part un rôle décisif dans la Bataille d’Angleterre : représentant 5 % des pilotes de la RAF, soit 144 pilotes, ils infligèrent à la Luftwaffe 12 % de ses pertes. Après la défaite de la France et l’entrée dans la collaboration du gouvernement de Vichy, le gouvernement polonais en exil à Londres restera à la tête de la plus grosse organisation de résistance armée de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie, l’Armée de l’Intérieur (AK).
La population civile fut visée dès le 1er septembre 1939 par les bombardements de la Luftwaffe, qui firent de nombreuses victimes. Par ailleurs, entre le 1er septembre et le 26 octobre, quand le commandement de la Wehrmacht exerçait le contrôle des territoires polonais occupés, la Wehrmacht et les autres formations allemandes, tels les Einsatzgruppen avançant derrière les lignes de front, réalisèrent 764 exécutions collectives de civils et de militaires polonais, tuant un total d’environ 24 000 citoyens polonais. Parmi les civils exécutés, il y avait les anciens insurgés de 1918-21 en Grande-Pologne et en Silésie, dont les Allemands avaient dressé des listes.
Premier pays attaqué pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Pologne fut aussi le pays qui eut le plus de morts par rapport à sa population : quelque 6 millions de citoyens polonais tués, dont environ 3 millions de juifs exterminés pour une bonne part dans la Shoah et dont environ un million de Polonais tués par les Soviétiques entre 1939 et 1941, sur un total de 35 millions d’habitants environ, dont 3,3 millions de juifs, dans la Pologne d’avant-guerre. L’ennemi de race polonais et juif des Allemands était l’ennemi de classe des Soviétiques, même si par ailleurs les juifs polonais seront largement surreprésentés au sein du pouvoir communiste imposé par les Soviétiques à la Pologne après la guerre. Entre 1939 et 1941, les échanges de prisonniers entre les deux alliés furent nombreux et le pétrole soviétique fit rouler les chars allemands dans leur Blitzkrieg contre la France en mai 1940. La ligne de démarcation germano-soviétique en Pologne fut établie le 28 septembre 1939.
Côté allemand, toute la partie occidentale de la Pologne qui s’étendait entre l’Allemagne et la Prusse orientale fut annexée au Reich. Les Polonais et juifs qui en furent expulsés pour laisser la place à la colonisation germanique ne pouvaient y revenir sous peine de mort. Pour le reste de la partie occupée par les Allemands, un Gouvernement général fut établi avec à sa tête le gouverneur Hans Frank, surnommé le « Bourreau de la Pologne ». Le 6 février 1940, alors que durait encore la « Drôle de guerre » à l’ouest, Hans Frank déclarait dans un entretien avec le journal Völkischer Beobachter : « Si je voulais coller des affiches annonçant chaque groupe de sept Polonais fusillés, il n’y aurait pas en Pologne assez de forêts pour produire le papier de ces affiches ». Si l’Allemagne nationale-socialiste s’était donnée pour objectif d’éliminer la population juive et de réduire la population polonaise afin de créer un « espace vital » pour le Herrenvolk, le « peuple des seigneurs », l’Union soviétique déportait en Sibérie, dans des goulags dont la plupart ne reviendraient jamais, tous les ennemis potentiels ou supposés tels du communisme. Ainsi, le décret 0054 du NKVD du 28 novembre 1940 délivré à Vilnius [capitale historique de la Lituanie, (Vilnius fut une ville polonaise entre les deux guerres mondiales] par le Commissaire du Peuple de la République socialiste soviétique de Lituanie nous dévoile les catégories de gens à déporter : les membres de partis politiques, les personnes qui avaient été exclues du parti communiste, les réfugiés, les étrangers, les personnes qui avaient voyagé à l’étranger, les personnes qui faisaient de l’esperanto, les philatélistes, le personnel de la Croix Rouge, les personnes qui menaient une activité paroissiale, les membres du clergé, les membres actifs des communautés religieuses, les aristocrates, les propriétaires terriens, les commerçants aisés, les banquiers, les industriels, les restaurateurs et les hôteliers.
Autant dire que l’occupation ne fut pas de la même nature en France et en Pologne, où les Oradour-sur-Glane se comptèrent par centaines. En se cantonnant dans la « Drôle de guerre » en septembre 1939, la France et le Royaume-Uni choisirent à nouveau le déshonneur, et elles eurent malgré tout la vraie guerre à partir de mai 1940, quand il n’y avait plus de front de l’est et que l’Allemagne nazie pouvait s’appuyer sur les fournitures des matières premières de la Russie soviétique.
Quant à la Pologne, elle fut trahie une deuxième fois par les Alliés occidentaux à Yalta. Fait peu connu à l’étranger, quelques milliers de partisans polonais continuèrent la lutte armée contre la dictature communiste et l’occupant soviétique jusqu’en 1956. Ce n’est qu’en 1990, après la chute du communisme et donc la fin de la République populaire satellite de l’URSS, que le dernier président polonais en exil à Londres [Ignacy Mościcki] viendra à Varsovie transmettre au premier président démocratiquement élu de la IIIe République, Lech Walesa, les insignes du pouvoirs de cette IIe République polonaise tombée en septembre 1939.
Commentaires
Enregistrer un commentaire