21 septembre 1939
Deux cent mille soldats sont en défense sur les deux cents kilomètres de l'imprenable ligne Maginot. Les Français ont confiance dans leur armée. Quant aux Anglais, les Forces Expéditionnaires Britanniques ont envoyé leurs troupes avec le maréchal Gort en France (160 000 hommes, 24 000 véhicules et 140 000 tonnes de matériels) et le général Gamelin, qui jouit d'une réputation de brillant stratège, commande nos quatre-vingt-cinq divisions.
Depuis douze jours le 2e groupe d'armées (GA2) est entré en Allemagne. La forêt de Warnd, sehr schön ! C'est comme si la place était libre, on occupe déjà pris 8 km². Tout était comme déserté et on est prêt à canarder le bassin industriel de la Ruhr. Monsieur Hitler ne s'attendait pas à une attaque française, il pensait qu'on fermerait les yeux comme pour l'Autriche, la Tchécoslovaquie, qu'on ne viendrait pas mourir pour Dantzig. Son armée est prise en Pologne. L'Allemagne occupée ! On a juste un petit bémol : Gamelin a signifié aux autorités polonaises que plus de la moitié de nos divisions actives sont en contact avec l'ennemi sur le front nord-est et qu'on ne peut pas faire plus pour le moment : on doit protéger notre frontière avec la Belgique, des fois que les Allemands nous attaquent par là : ils sont toujours passés par là. Alors depuis quelques jours, on attend, on avance pas plus loin en Allemagne, et on ne canarde pas la Ruhr.
- Ça fait déjà dix jours qu'on avance plus, répète un lieutenant qui veut en découdre coûte que coûte avec le boche et son Monsieur Hitler.
C'est un juif et il dit que si on ne le dégomme pas maintenant, le pire de l'humanité attend le monde.
- Ce qu'on sait d'officiel c'est que l'arrière nous soutient. Côté polonais, ce qu'on sait c'est que les troupes de List combattent près de Lvov et d'autres se déplacent vers le nord à partir de leurs têtes de pont sur le San. L'armée polonaise est aussi près de Poznan, elle doit marcher sur Berlin, et, si nous les rejoignions, nous prendrons Hitler en tenaille, nous l'écrabouillerons.
Sauf que la Luftwaffe bombarde Krzemieniec (l'est de la Pologne), et la population évacue.
- Certains disent que Varsovie serait prise mais je ne peux pas croire ça : je ne veux pas croire ça ! Je me demande bien pourquoi on attend au lieu de foncer. Gdynia (le seul port maritime polonais) à l'ouest de Dantzig serait pris aussi et Brest-Litovsk (à 193 km à l'est de Varsovie), serait encerclée. Qu'est-ce qu'on fait là à ne pas bouger, nom de dieu? Varsovie n'acceptera jamais une reddition.
A Paris, Daladier a formé un cabinet de guerre dans lequel il est ministre des Affaires Etrangères, ministre de Guerre et de la Défense nationale. Quel homme ! Raoul Dautry est devenu ministre de l'Armement et Georges Pernot ministre du Blocus : deux nouveaux ministères associés au cabinet de guerre.
- On ne peut pas agresser l'Allemand, on se défend, pas plus.
- Comment ça?
- C'est la politique de Daladier : on n'agresse pas.
- Et Gamelin, qu'est-ce qu'il en pense?
- Il pense comme Daladier : ne pas agir contre Hitler.
- Tu es dans le camp des défaitistes, toi. Ou t'es un de ces pacifistes de malheur !
- Les Russes vont entrer en Pologne par l'autre côté, c'est pour ça qu'on attend ici.
- Et pourquoi les Russes iraient?
- Pour protéger leurs minorités ukrainiennes et biélorusses, c'est tout à fait leur droit.
- Encore un communiste ! tu vas nous dire que le soldat allemand qu'est en face c'est un camarade prolétaire de l'internationale socialiste et qu'on peut pas tirer dessus...
- Je suis fier d'être communiste !
- Ils sont déjà entrés en Pologne, les Soviets, y a au moins trois jours et les Polonais fuiraient en Roumanie.
- Ils vont se partager la Pologne et on va pas bouger.
- Gamelin est trop vieux, les Allemands, ils ont que des généraux jeunes, nous on pense encore comme Verdun et la Somme.
- On ne peut quand même pas abandonner Varsovie, les gars, ce serait dégueulasse.
- Hitler veut juste prendre Dantzig, maintenant qu'il l'a, il va se calmer.
- Dantzig est tombée?
- Réveille-toi, ça fait deux jours qu'il est entré dans la ville !
- Non?
- Il nous propose la paix, la conciliation.
- Du baratin.
- Jamais les Anglais ne baisseront les bras.
- Nous, si.
- Jamais ils ne permettront la victoire de Hitler. Ils n'ont qu'une chose à faire : remplacer Chamberlain par un vrai guerrier : Churchill.
- N'importe quoi ! tant qu'on y est, tu veux pas que nous on rappelle Pétain !
- Hitler veut condamner le monde à l'esclavage, avec lui c'est la ruine des valeurs morales et à l'anéantissement de la liberté. Chamberlain est prêt à s'allier avec les communistes, Churchill sûrement pas, jamais !
- Les Dardanelles, t'as entendu parler? C'est ça ton Churchill.
- On va laisser faire l'invasion germano-soviétique de la Pologne.
- Et on rentrera à la maison s'occuper de nos femmes ! Hitler sera content, il aura eu ce qu'il veut, et il nous foutra la paix.
Le 21 septembre, Maurice Gamelin, l'homme de la Marne aux côtés de Joffre vingt-cinq ans plus tôt, ordonne aux troupes françaises victorieuses en Sarre de faire demi-tour et de se replier derrière la ligne Maginot, et d'attendre là, l'arme au pied. Le jour même, les forces allemandes accentuent leur bombardement sur Varsovie et un « plan Heydrich » nécessitant la déportation de 600 000 juifs arrêtés à Dantzig et dans l'ouest de la Pologne vers le centre pour être concentrés dans des ghettos dans les grandes villes entre en action.
L'action militaire en Sarre n'aura été menée que pour honorer l'accord avec la Pologne, pour
sauver l'honneur de la France ; jamais Daladier et Gamelin n'ont voulu lancer une véritable
offensive contre l'Allemagne me Monsieur Hitler.
Photo : Place Zamkow à Varsovie
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