Autres temps...
Cours de patin, de patinage. Rien n'échappe à rien. Voilà que le patinage est touché. Touché par des affaires de sexe, de photos porno, de rapports forcés, de viols par abus de position dominante. Chacun son tour, donc, puisque d'autres faits de sexe sont connus dans d'autres sports. On imagine vestiaires, douches, corps nus, regards, là vite fait bien fait. Et même on imagine dans les simples clubs amateurs, dans les petites villes discrètes et bien tranquilles, les hommes, les ados, les petites filles, les petits garçons, tout ça en compétition, avec pour commencer les tapes aux fesses en guise d'encouragements sympathiques de la part des entraîneurs. Et à l'avenant, c'est l'affaire de trente minute par jour, à en croire le gouvernement puisqu'il veut développer l'activité physique dans les collèges et lycées : « trente minutes par jour pour faire bouger les élèves », annoncent les ministres des Sports et de l'Education (en allemand, pour désigner les établissements secondaires, collèges et lycées, on dit gymnasium), donc bienvenus les enfants à partir de onze ans à l'entraînement ! Et cool pour les profs de gym et le rebond commercial des shorts. Quel affinement, quelle saine santé est là offerte à ces mangeurs de burgers, de chips, bien trop gras dès leurs neuf ans. Et un et deux, et un et deux ! Allez les filles on y va, on montre aux garçons qu'on n'est pas en reste... Pensez à votre amoureux, votre amoureuse qui va vous retrouvez en pleine forme... allez mes chéris, on met le paquet. Et comme tout cela pourrait se conduire à la baguette avec les récalcitrants ! Avec des gages, « quinze pompes là maintenant, c'est un cadeau que je te fais, crois-moi, une, deux... les bras bien tendus, les fesses plus hautes, quatre, cinq... Allez, donne-moi tout ! tu veux être un athlète ou pas? Creuse tes reins, sois un putain de bon gosse obéissant, merde ! sac à graisse, fais-moi fondre toute cette saleté ! Après, tu montes trois fois à la corde à nœud, je veux que tu dégoulines, ton short collant de sueur, la raie de ton cul trempée, à la glisse, sale petit merdeux, tu vas endurer crois-moi, allez, tiens, regarde ce que tu me fais, tu sais d'autres l'ont fait avant toi, viens là, ouvre ta bouche... ». Sans témoin direct, sans smartphone qui filme.
Pourquoi serait-ce plus compliqué? Un prof de gym arpentant les vestiaires, l'œil sur le dos des éphèbes, le plus tendre, ou sur une petite princesse, son téton tel le croquant d'un petit légume d'été, et partout ce goût de la fraîcheur étendu à la société : un sous-lieutenant à l'armée, un boulanger sur son mitron, un mécano et son apprenti à instruire, un novice chez les moines, un enfant de chœur dans la sacristie, un contre-maître sur les seize ans en job d'été, un éducateur braguette ouverte, un agent de sécurité caressant une tête blonde dans les chiottes d'un super-marché, sa bite qui gonfle, à l'étroit dans le slip, et cette gosse, ce gosse qui l'écarte, sur ordre, sous menace, ou sans malice aucune. Ni dit ni interdit, jusqu'au père avec son fils en âge CM2 passant un soir dans un bar alternatif où se croisent squatters, immigrés, artistes, condamnés en liberté conditionnelle et flics en civil qui ne pensent qu'à piquer, piquer, en fins connaisseurs de la tendreté et de la saveur de cette chair fraîche, un père prêteur après quelques années d'emploi exclusif et qui, d'un clin d'œil, confirme à chacun : « oui, c'est à dispo, y a qu'à lui dire de se mettre à plat-ventre », une arrière-salle, une paillasse ; il a découvert cette non-dite facilité à Marrakech, avec les hommes, rien que des hommes, dehors assis aux terrasses des cafés, dans cette douceur de vivre à la marocaine, et à l'intérieur du café une arrière-salle avec un garçon, ou dans un appentis, une cave, sur un matelas par terre, pour les hommes et leurs gentillesses d'approche avant qu'ils piquent, piquent selon leurs tempéraments, doux, sanguin, nerveux, autoritaire... Alors depuis cet essai sur matelas le père aime offrir les délices de son garçon, voir les braguettes grosses et dures des hommes dans le bar, ouvre le pantalon du monsieur, fais comme avec Papa, déceinturer, dézipper, écarter les slips, regarde, touche, la piqueuse, oui piquer, pour ces types, piquer encore et toujours, dans un grenier, une grange, un garçon tout nu, piquer son petit cul rond, si délectable, discret, secret, il est en CM2, il a dix ans... dans ce bar parallèle c'est dans la tête des amateurs, dans leurs pantalons, dans la main du père qui pousse vers eux son fils de l'épaule... dans le retour après usage que lui fait un jeune homme, un Jamaïcain très très mince et très grand, longues dreadlocks et pétard entre les doigts : on est quatre rastas dans un squat, faudra que tu nous l'amènes un soir... ou celui d'un Algérien : je reviendrai avec mes copains.
Ouais, dans le temps, un homme pouvait penser, parler et agir ainsi. Aucun des enfants approchés, touchés, consommés ne parlait. Aujourd'hui, même l'Asie du Sud-Est, autrefois refuge pour les pédosexuels anglais, allemands, français, américains, japonais, chinois et sud-coréens, a tué ses possibilités ; il faut être en Afghanistan, au Pakistan, en Inde, au Maroc, au Laos, en Moldavie, au Pérou, dans les îles du Pacifique, au Moyen-Orient pour passer encore sous les radars, piquer les gosses sans être inquiété. En Occident, terminés les Gabriel Matzneff et les Tony Duvert, terminées les années soixante-dix et le « il faut reconnaître aux mineurs, enfants et adolescents, le droit de faire l'amour » (Le bon sexe illustré, Tony Duvert, 1974), terminés les intellectuels comme Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut défendant, justifiant les orgies pornographiques avec des enfants, vraies ou fantasmées, de Duvert (qui a écrit avoir eu des enfants de six ans pour partenaires sexuels) : les livres de Tony Duvert « devraient stimuler, susciter des vocations, dessiller les yeux », « en tant que pédophile, l'héritier des grands mythes amoureux [...] Désirez-vous connaître l'intensité des passions impossibles? Une seule solution : éprenez-vous d'un(e) enfant ». Voilà ce qu'écrivaient ces deux intellectuels, nous invitant à lire, ces délires sexuels, sachant bien que pour un certain nombre, cela les inviterait à passer à la pratique. « Car les enfants ne nomment pas l'enfance ; leurs jeux mêmes la nient, la tirent vers un ailleurs pourtant inhabitable : le monde adulte, la « réalité » (Paysage de fantaisie, Tony Duvert, prix Médicis 1973). « En cela, l'enfance et l'écriture usent d'un imaginaire identique : elles créent inconsidérément le réel, elles le mettent en pièces, le reforment, s'y adonnent dans cette illusion et ce dédoublement propre au jeu, où l'on fait semblant pour de bon. C'est pourquoi une fiction - et une perversion - vouée à l'enfance ne peut que jouer avec cet illusoire, être deux fois fictive - partagée entre la croyance qu'elle a dans l'univers mythique qu'elle met en scène, et la certitude qu'il est pur fantasme, mensonge invivable, trop vrai pour être vrai, comme tout objet de désir, de souvenir ou de culture. » Ce livre, il faut le savoir, Paysage de fantaisie, est une « rêverie » sur un imaginaire bordel de petits garçons... et, encensé par la critique, il reçoit le prix Médicis. On n'est pas loin du tout écrire possible, fantasmé ou réel, on n'est pas loin du bar et des clins d'œil du père aux squatters, immigrés algériens et marocains, artistes, voleurs ou assassins en liberté conditionnelle, ex-taulards et flics en civil en quête de piquer ; un bar qui existât, alternatif comme on disait à l'époque, une époque sans sida et donc sans obligatoire capote.
Mais je me suis éloigné... revenons aux « violences sexuelles dans le sport », afin d'arriver au « scandale » du jour et vu d'aujourd'hui : le patinage. Rien d'inédit dans ce cas... sur glace. Dans le sport, les « faits sexuels » les premiers révélés l'ont été au début des années 2000. En 2005, Isabelle Demongeot, devenue championne de France de tennis en 1989, porta plainte contre son ancien entraîneur Régis de Camaret. Elle l'accusait d'une série de « viols et d'attouchements » entre 1980 et 1989. Née en 1966, elle avait donc quatorze ans en 1980 (l'entraîneur en avait trente-cinq : né en 1942) et vingt-trois... violée et touchée pendant neuf ans... Au procès, en 2012, elle livra des détails scabreux sur les agissements « anciens et nombreux » de son entraîneur, parlant d'une « série de viols » pendant... oui, neuf ans. Régis de Camaret prendra huit ans de prison ferme malgré la prescription des « faits », fera appel et sa peine passera à dix ans (en 2014). A la suite de Demongeot d'autres femmes porteront des accusations de viols contre de Camaret (une vingtaine paraît-il), notamment par deux femmes qui affirmeront avoir été violées par lui quand elles étaient adhérentes mineures de son club de tennis à Saint-Tropez en 1977.
Ce fut le premier exemple à sortir de l'iceberg immergé du monde sexuel du sport français. Combien d'autres cachés sous la mer? Tennis encore, avec cette fois une toute fraîche confirmation : un entraîneur de Sarcelles et Levallois vient d'être condamné à dix-huit ans de prison, Andrew Geddes, pour « viols et agressions sexuelles » sur quatre anciennes de ses jeunes élèves. Pour elles quatre, tout commence en 1999 quand les désirs sexuels de ce profiteur commence à se dresser pour elles. Il a trente-trois ans (il en a aujourd'hui cinquante-trois), elles en ont douze, quinze, seize et dix-sept. Il aurait usé de chantage et de violences physiques et psychologiques pour assouvir et satisfaire ses désirs sexuels avec elles jusqu'en 2005, soit pendant six années sans qu'elles ne cessent d'être ses soumises. La plus jeune de ces tennis-girls l'a accusé de l'avoir violée jusqu'à ses quatorze ans en 2001. Les trois autres disent avoir été agressées sexuellement et violées à plusieurs reprises entre 2001 et 2005. Il vient donc de prendre dix-huit ans de prison ; à son tour depuis quelques jours d'être pensionnaire, face à des prisonniers, des hommes avec besoins, sans femelle dans les parages, qui sauront inévitablement ce qu'il a fait à des jeunes filles et, peut-être, à leurs manières, lui feront comprendre combien le viol est une affaire horrible, et sans fin quand on est là à dispo des plus forts que soi.
Photo : lors du match entre le Bosnien Damir Dzumhur et l'Allemand Alexander Zverev (juin 2018), un ramasseur de balles s'est précipité sur le court mais Dzumhur, qui voulait récupérer une balle aérienne, ne l'a pas vu et a percuté le garçon qui est tombé sur la terre battue ; il a dû quitter le court, sous les applaudissements du public et Damir Dzumhur s'est excusé, l'a pris dans ses bras et lui a fait une bise, AFP, Thomas Samson ; terrasse de café à Meknes au Maroc, Charles O. Cecil.
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