Ivre du vin perdu
Il voyait cela comme une initiation. Il écoutait des chants orthodoxes, brûlait de l'encens. Vanessa Springora, qui a affirmé publiquement être l'une de ses victimes (sic), n'a jamais porté plainte contre lui. Fascinée par l'aura littéraire de l'homme, qu'elle a connu adolescente, elle explique dans son livre à sortir le 2 janvier n'avoir pas réalisé la gravité de ses actes. Les Béatitudes, les icônes. « Coucher avec un ou une enfant, c'est une expérience hiérophanique, une épreuve baptismale, une aventure sacrée », écrivait-il dans Les moins de seize ans en 1974.
En amour, j’ai horreur de la brutalité, de la coercition. Que l’on rétablît la peine de mort pour les pédophobes, c’est-à-dire les violeurs et les assassins d’enfants, je ne m’en émouvrais guère (en notant cependant que les lois imbéciles contre la philopédie ne peuvent qu’inciter des esprits faibles à paniquer, à violenter). Francesca, quinze ans, dont les lettres d’amour sont le joyau des Moins de seize ans, et qui, dans Les Passions schismatiques, est "l’amazone" de génie que j’évoque au chapitre sur la femme, peut en témoigner, mais aussi Marie-Élisabeth, quinze ans, Olivier, [... 1] ans, Anne, quinze ans, Fabrice, quinze ans, Vanessa, quatorze ans, Véronique, seize ans, Aouatife, quinze ans, Maud, dix-sept ans, Justine, quinze ans, sans oublier les jeunes filles majeures et vaccinées qui ont partagé ou partagent ma vie, ce que j’aime, c’est charmer, séduire, conquérir et au lit seule me captive la réciprocité du plaisir et de l’élan. L’amour vénal n’est pas ma tasse de thé et je pense que peu d’hommes ont moins que moi recours à lui. Dans les pays dont je ne parle pas la langue, réduit au rang de l’imbécile touriste lambda, si je n’ai pas apporté mon biscuit, je suis parfois contraint de recourir aux câlins mercenaires ; mais ceux-ci, qu’il s’agisse des pueri delicati d’Hikkaduwa ou des petites michetonneuses du Harrison Plaza, se déroulent toujours sous le signe de la confiance et de la gentillesse. Au demeurant, l’avis le plus sévère qu’on ait jamais exprimé sur le tourisme philopède, c’est moi qui le formule dans Les Passions schismatiques. J’ai horreur du tourisme en général, et du tourisme sexuel en particulier. Lorsque je pars en voyage, c’est pour échapper à Paris, à la dispersion de Paris, au froid de Paris ; c’est pour écrire, pour créer. Ceux qui lisent mon journal intime savent que 98 % de ma vie amoureuse se déroulent en France ; et qu’à l’étranger je suis infiniment plus studieux, chaste, absorbé par mon travail que je ne le suis à Paris. Les lettres d’amour que m’ont écrites les jeunes personnes qui se sont succédées, et quelquefois rencontrées, dans mon lit témoigneront après ma mort de la véracité de ce journal intime et des passions que j’y décris.
Cela me rend d’autant plus libre pour protester contre la malhonnêteté de ceux qui par antiphrase baptisent "pédophiles" les canailles pédophobes et affectent de confondre Anacréon, Parny ou Byron avec les pervers et les tueurs dont les annales judiciaires font leurs choux gras. Je fréquente beaucoup d’amateurs (et d’amatrices) de fruits verts : jamais ils ne feraient le moindre mal à un enfant, bon nombre d’entre eux sont pour les adolescents qu’ils aiment des bienfaiteurs, une vraie bénédiction, et les mettre dans le même sac que les violeurs et les assassins est une infamie.
La jeune amante qui, tandis que je l’écris, lit cette préface par-dessus mon épaule s’exclame : « Anacréon, Byron, je connais, mais Parny ? Qui est-ce, Parny ? »
Parny, bellezza mia, est un poète bien de chez nous qui portait le doux prénom d’Evariste-Désiré. Né au dix-huitième siècle, mort au dix-neuvième, il pensa un moment se faire trappiste, mais très vite l’amour des créatures l’emporta sur le service du Créateur, et il devint un poète coquin (célébrer les plaisirs de la chair étant au reste la meilleure façon d’honorer un Dieu qui, las d’être pur esprit, se fit chair et os). Il excella dans le genre élégiaque et fut surnommé le Tibulle français. Il compta parmi les auteurs favoris du roi Louis XVI et, lorsqu’il eut soixante ans, l’empereur Napoléon Ier, friand de ses poèmes érotiques, lui donna une pension. Vive le roi, vive l’empereur, et j’espère que la République saurait, si le cas y échoyait, fêter un écrivain qui a écrit ces vers délicieusement roboratifs :
Aimer à treize ans, dites-vous,
C’est trop tôt : eh, qu’importe l’âge ?
Avez-vous besoin d’être sage,
Pour goûter le plaisir des fous ?
Sur les moins de seize ans, sur le couple, sur Dieu, sur le style, sur les persécuteurs de la liberté spirituelle, sur la résistance à la crétinisation, sur la fécondité du schisme, qui sont les thèmes de ce volume, j’écris ma vérité. Que celle-ci soit l’antipode de ce que professent l’idéologie en place et une opinion publique ahurie qui a du fromage blanc dans le ciboulot, je m’en réjouis, car c’est la preuve que je suis sur la juste voie. Bonne lecture, donc, et viva la libertà !
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