Grèce : trop d'immigrants c'est trop
En réaction, avant-hier lundi, lors d'un conseil des ministres convoqué en urgence, le gouvernement a décidé de changer la donne héritée du gouvernement de gauche de Aléxis Tsípras en renvoyant dix mille immigrants en Turquie d'ici la fin 2020. Pendant les quatre ans et demi du gouvernement Tsípras, 1 806 retours en Turquie ont été effectués. Le nouveau Premier ministre, le conservateur Kyriakos Mitsotakis, veut en effectuer 10 000 d'ici fin 2020 (communiqué du gouvernement publié après le conseil des ministres de lundi). La Grèce vit sa « pire période » migratoire depuis l'accord UE-Turquie entré en vigueur le 20 mars 2016 : 70 000 immigrants et réfugiés sont sur son territoire (ministre de la Protection du citoyen, adjoint à la protection civile, Lefteris Oikonomou). Le gouvernement de gauche de Aléxis Tsípras estimait que les termes de l'accord ne permettaient pas de renvoyer en Turquie une immigrant déboutée de l'asile s'il ne se trouvait pas physiquement sur l'île où il est arrivé. Le gouvernement conservateur pense qu'au contraire cet accord le permet. Son communiqué de lundi annonce également d'autres mesures : renforcement des patrouilles en mer Egée, poursuite des transferts d'immigrants des îles proches de la Turquie (Lesbos, Chios, Kos, Leros et Samos) vers la Grèce continentale, construction de centres fermés pour les clandestins ou ceux qui ce sont vue refuser l'asile, refonte du système de l'asile.
Aujourd'hui mercredi, l'ONU, tout en annonçant que selon le dernier décompte du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), rien que sur le mois de septembre, 10 258 immigrants en majorité Afghans et Syriens, ont débarqué sur les îles grecques depuis les rives turques voisines, a rappelé qu'elle a demandé au gouvernement grec d'évacuer d'urgence les « centres d'accueil inhumains » sur les îles en déplaçant les milliers de demandeurs d'asile gardés dans ces centres.
L'accord UE-Turquie prévoit en effet le renvoi en Turquie des immigrants arrivés à sur les îles de Lesbos, Chios, Kos, Leros et Samos (immigrants clandestins et immigrants s'étant vu refuser le droit d'asile) puisque la Turquie est considérée comme « un pays sûr » (connaissant ces conditions de l'accord, la plupart des immigrants arrivées sur les îles grecques par la Turquie depuis mars 2016 ont demandé l'asile aux autorités grecques pour échapper à ce renvoi). Ces autorisés chargées de l'asile sont débordés, et elles ont laissé jusqu'à présent ces immigrés sur les îles, attendant pour chacun la réponse donnée à leur demande d'asile.
Sauf qu'il que c'est trop de monde pour l'accueil dans les centrés dédiés, comme par exemple celui de Moria sur l'île de Lebos.
En très grande majorité, depuis 2015 les immigrants qui arrivent en Grèce par la Turquie sont Syriens (également pas mal d'Afghans). Mais depuis quelques temps, et selon des témoignages de gardes-côtes grecs, commencent à s'y ajouter des ressortissants turcs, accusés par le régime de Recep Tayyip Erdoğan d'être gülénistes (opposants). Ils fuient le risque de mise en prison et veulent demander l'asile politique en Grèce (la semaine dernière, un naufrage d'embarcation a eu lieu entre l'île grecque de Chios et la côte turque, non loin de l'îlot de Inousses : douze immigrants ont été sauvés, parmi eux il y avait des Turcs et, plus tard après le naufrage, sept immigrants turcs ont été retrouvé morts noyés en mer).
Hier mardi, environ quatre cents immigrants du centre surpeuplé de Moria, en majorité des femmes et des enfants, ont voulu dénoncer des conditions d'hébergement en marchant du centre de Moria en direction du port de Mytilène : elles portaient un brancard recouvert d'un drap pour simuler une dépouille mortuaire sous un linceul (AFP de source policière). Au même moment, une délégation de l'ONG Oxfam France effectuait une visite dans le campement sauvage à côté du centre de Moria. « C'est pire que ce que j'imaginais », a déclaré sa directrice générale, la Française Cécile Duflot. « Les conditions sont pires que ce qu'on peut imaginer dans des pays plus en difficulté encore que la Grèce. Nous sommes en Grèce, un pays de l'union européenne. Plus de 40% de ceux qui vivent ici sont des enfants. Et ils grandissent dans ces conditions dramatiques. Nous devons faire en sorte que la situation change. Il faut une prise de conscience de la responsabilité que l'on fait peser sur la Grèce et sur les îles. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces camps de fait de rétention ». Voilà qui rappelle les propos faits quelques jours plus tôt par le Suisse Jean Ziegler au moment d'achever son mandat au Comité consultatif des droits de l'homme : il a évoqué « de véritables camps de concentration» où se mêlent sous-alimentation ou manques d'accès à l'eau potable et aux soins ; « la honte de l'Europe», a-t-il dit.
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Source : Le Figaro ; La Tribune de Genève ; Le Figaro ; La Tribune de Genève
Photo : Mytilène, Lesbos, en octobre 2005
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