Mauvais, néfaste, nuisible
Il y a cinq ans, l'année 2015 s'ouvrait par les meurtres de douze membres de Charlie Hebdo, le 7 janvier, et d'un policier d'abord blessé puis achevé sur un trottoir d'une balle tirée à bout portant dans la tête. Le lendemain, 8 janvier, était assassiné une policière municipale à Montrouge. Puis, encore le lendemain, 9 janvier, quatre personnes de confession juive au cours d'une prise d'otages dans l'Hyper Casher, une supérette porte de Vincennes. Tous assassinés par des djihadistes.
L'émotion fut immense. Depuis....
2020 s'ouvre avec un jeune homme de vingt-deux ans. Il porte « un habit de type djellaba noir » et quelques heures plus tard on le dira atteint de « troubles psychologiques ». Il a poignardé des passants en début d'après-midi dans un parc de Villejuif, parvenant à assassiner l'un d'eux, un homme de cinquante-six ans qui baguenaudait avec sa femme, qui elle, la quarantaine, a été blessé et se trouve dans un état grave. Je ne devrais pas écrire « a poignardé » mais « a mené une attaque au couteau », novlangue des agences de presse oblige. Cet homme poignardé à mort « se promenait avec sa femme lorsque l'agresseur s'est approché, il a voulu protéger sa femme et c'est lui qui a pris ce coup de couteau », a commenté le maire de Villejuif Franck Le Bohellec. L'assassin - l'assaillant comme disent les journalistes - a aussi tenté de tuer une femme de trente ans (elle est légèrement blessée). Il a voulu poignarder encore d'autres personnes mais elles ont réussi à éviter son couteau. Des attaques « aux motivations encore floues », a-t-on pu lire. Les journalistes ne devaient pas encore avoir vu qu'il portait « un habit de type djellaba noir », tandis qu'ils nous avaient déjà informé de son âge, qu'il était né aux Lilas (Seine-Saint-Denis) et s'appelait Nathan C. « Il avait visiblement l'intention de poursuivre ses agressions » dans notre centre commercial, a confié aux médias le maire de la ville voisine de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun.
Les policiers de la Brigade anti-criminalité, arrivés très vite sur place, l'ont traqué et abattu tandis, qu'effectivement, il se dirigeait vers le Carrefour de L'Haÿ-les-Roses.
Ce jeune assassin était connu de la police pour des faits de droit commun mais pas pour radicalisation. Il n'en reste pas moins que ses intentions meurtrières apparaissent clairement. « Selon les premiers éléments de l'enquête, il souffrait de "troubles psychologiques" ». Un sac lui appartenant a été retrouvé « à plusieurs centaines de mètres » du lieu de l'attaque (sic), contenant sa carte bancaire ainsi que des « éléments religieux », « laissant penser qu'il était converti à l'islam » (ici on a les éléments de langage fournis par le parquet et repris par l'AFP). Une enquête pour « assassinat et tentatives d'assassinat » a été ouverte et confiée à la police judiciaire du Val-de-Marne ainsi qu'à la brigade criminelle de Paris. On n'ouvre pas d'enquête pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste »? Un gars part en balade et « attaque » au couteau mais....
Mais pas de raison d'avoir peur : le président de la république Emmanuel Macron, garant de la sécurité des Français, a réagi : il a tweeté. Il a tweeté. Un fonctionnaire en charge du compte Twitter du président a tweeté son « soutien aux victimes [...] à leurs familles ainsi qu'aux forces de l'ordre ». Aucun souci : pour chaque circonstance les messages sont écrits d'avance. Affaire réglée. Et meilleurs vœux. Quant au secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nuñez, il a déclaré que l'intervention des forces de l'ordre a « sans doute » évité la poursuite d'un « périple meurtrier ». Merci de la précision, je n'aurais pas compris cela sans lui. Un président de la république qui tweete pour dire son soutien et l'Intérieur qui ne trouve rien de plus à dire que les policiers ont fait leur boulot. Vraiment, bonne année messieurs, dames. J'allais oublier le ministre, Monsieur le ministre de l'Intérieur : lui aussi il vous tweete ses platitudes minimales : « Nos forces de sécurité et de secours sont intervenues à Villejuif avec réactivité, sang-froid et professionnalisme ». Vous l'imaginez se déranger pour venir sur place et affirmer : « Nos forces de sécurité et de secours sont intervenues à Villejuif sans réactivité, avec un manque de sang-froid, et sans aucun professionnalisme ». Ha ! cet ineffable, cet impayable Castaner, prince de l'Intérieur reconnaissant. Avec Macron, quelle paire !
Le 19 avril 2015, un assassin musulman lourdement armé avait déjà sévi à Villejuif au nom d'Allah. Il s'agit de Sid Ahmed Glam, un étudiant algérien radicalisé, vingt-quatre ans, auteur présumé du meurtre d'Aurélie Châtelain, trente-deux ans, et fomenteur présumé d'un attentat contre une église de la ville. Il sera prochainement jugé aux assises. Depuis...
On s'est habitué. Depuis le 7 janvier 2015, les attentats islamistes en France ont fait deux-cent-soixante morts. Quand aujourd'hui tombe un nouvel assassiné (la novlangue devrait me faire écrire « victime »), à l'Elysée on ne chamboule pas l'agenda du président, on tweete.
Mise à jour le 7 janvier 2020.
Le parquet national antiterroriste reprend l'enquête en raison de la radicalisation de l'assassin et de la préméditation de son crime. Selon l'agence Reuters, sa compagne a été arrêtée et placée en garde à vue pour « association de malfaiteurs terroristes ». Elle est soupçonnée d'avoir projeté de se donner la mort en attaquant des policiers, « une crainte étayée par des écoutes téléphoniques qui auraient justifié son arrestation ».Source : Le Point ; L'Alsace ; Le Parisien ; Challenges
Photo : policier des Brigades anti-criminalité dans le Haut-Rhin s'entraînant avec un fusil d'assaut HK G36, 2016, L'Alsace.
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