Grecs depuis Périclès
Des milliers de Grecs pas contents, des îles égéennes qui n'en peuvent plus mais... Dois-je une fois encore égrainer leurs noms? Lesbos, Chios, Samos. Hier mercredi, de grands rassemblements de protestation ont eu lieu sur trois îles au même moment : Lesbos, Chios) et Samos contre l'immigration massive qui déstabilise ces îles au nord de la mer Egée, si proches, comme à la merci de la Turquie, et contre la gestion au niveau tant national qu'européen. Parallèlement, les magasins et les services publics des ces trois îles sont restés fermés en raison d'une grève générale décidée pour l'occasion. Les habitants exigent, entre autres, la décongestion immédiate et massive des îles en transférant les émigrés vers le continent et une répartition équitable dans des structures « conviviales ».
Dois-je une fois encore le dire? A peine à quelques kilomètres Erdoğan tient des millions d'émigrés qu'il peut lâcher sur la Grèce à sa guise. Les embarcations sauvages, les associations dites humanitaires et les groupes de passeurs, les milliers d'euro... d'Izmir à Samos, Chios et Lesbos... tout cela va bon train, des « réfugiés », des « migrants », par centaines, par milliers, et l'asphyxie, l'asphyxie...
Pas de nouvelles structures (camps) pour les loger ! Fermeture de celles qui existent ! Fermeture immédiate du camp de Moria ! Contrôle de toutes les associations qui aident les passeurs ! Garde efficace des frontières avec la Turquie ! Mesures de soutien aux îles pour réparer les dommages qu'elles ont subis ! Autant de pancartes, autant de clameurs. Des milliers d'habitants dans le port de Mytilène, sur la place Nikolaou Plastira à Chios, sur la place Pythagore de Samos. Mais pas grand chose dans la presse française sur les revendications de ce peuple, à part nous faire penser qu'il est xénophobe, raciste. C'était pourtant clair : « Rendez-nous nos îles, rendez-nous nos vies ». Il faut aller dans la presse grecque pour saisir, comprendre, savoir. « Nos îles ne sont pas des entrepôts d'âmes ! ». Ils étaient plus de sept mille sur la place Nikolaou Plastira à Chios. « Qu'est-ce qui nous dérange? » a demandé le gouverneur régional de l'Egée du Nord, Konstantinos Moutzouris, qui semble déterminé à revendiquer les droits des habitants. « Nous ne voulons aucun camp existant et aucun autre camp plus tard. Nous voulons récupérer nos îles, nous voulons récupérer nos vies. Qu'est-ce qui nous dérange? Cela nous dérange que nos îles soient devenues un lieu de rassemblement pour des personnes de 80 pays. Environ 50 000 sur toutes les îles. Cela nous dérange que cette situation soit une conciliation du silence entre toute l'Europe et le gouvernement. Tous construisent des murs d'isolement et de silence, nous sommes là pour les briser. » Puis, faisant référence à des organisations non gouvernementales telle que celle de l'homme d'affaires Soros et à leur rôle, de la nécessité de les contrôler, il a évoqué un plan des Nations Unies de 2000 de 2000 pour la nécessité de relocaliser deux cent cinquante millions de nouveaux habitants en Europe. Il existe un « plan de substitution de population », ainsi que « la prise de la Grèce par l'accord de Dublin 2 [...] Nous voulons la dissuasion. La patrie est en danger. Je me fiche de ce que disent les circonstances [...] Ils veulent nous imposer un autre mode de vie, une autre religion », a-t-il clamé. « Nous voulons que nos vies reviennent ».
C'est vraiment pas un scoop, on le sait depuis des mois, les camps sont pleins, archi, pleins, ils débordent, sales, avec les rats, les ordures. Moria (Lesbos) : plus de 19 000 émigrés pour une capacité d'accueil de 2 840 personnes. Vathy (Samos) : 7 500 émigrés pour 650 places. Vial (Chios), 5 000 émigrés pour 1 000 places. Alors bien sûr, le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) dénonce les conditions « sordides », « insalubres »... la presse pond des articles sur les enfants malades, les femmes enceintes, les hommes qui errent à ne rien faire, désœuvrés, mais motus bouche cousue sur la population à qui ont n'a pas, jamais, demandé son avis, et qui endure. « Nous serons prochainement une minorité sur notre propre île », dénonce Vassiliki Ververi, une quinquagénaire lesbiote qui manifestait hier.
Les journalistes n'aiment pas ce genre de propos... qu'ils qualifient de xénophobes. Ils préfèrent chercher dans la foule quelqu'un, Zoi Yannaka, kinésithérapeute, 50 ans, qui a participé à un rassemblement à l'appel du parti communiste grec à Mytilène, qui dira : « C'est difficile pour les migrants (sic) et pour nous », mais ne saura pas, au final, vraiment tenir sa langue : « Ces personnes doivent partir, ce n'est pas qu'on ne les aime pas, mais ils vivent dans des conditions sordides ». Quel journaliste va nous traduire les pancartes, nous dire que le mot « submersion » y était écrit, plusieurs fois, que les voix clamaient : « nous les Grecs, nous voulons, nous exigeons », ils iront nous interviewer trois ou quatre malheureux Afghans, Pakistanais et Syriens, laissant entendre que tous ces Grecs les refusant montrent combien ils sont sans cœur : leurs vies détériorées par ces présences, bien sûr, elles ne pèsent pas chères dans leur balance bien pensante.
La Grèce, je dois encore le rappeler, est devenue l'an dernier la première destination pour les émigrés qui veulent rejoindre ce que les passeurs leur vendent comme l'accueillante Europe (en 2019, le HCR a comptabilisé plus de 59 700 arrivées par la mer et plus de 14 800 par la terre mitoyenne avec la Turquie, soit un total de 74 600 arrivées en 2019 ; ils seraient déjà plus de trois mille à être entrés depuis le premier janvier, soit en une vingtaine de jours). Hier à Samos, le maire, Giorgos Stantzos, a prévenu : si le gouvernement de Kyriákos Mitsotákis (premier ministre depuis spet mois, juillet 2019) ne prend pas des mesures « de nouvelles manifestations auront lieu prochainement ». Ce n'est plus vivable personne et surtout pour les Samiates, les Chiotes et les Lesbiotes.
La vielle, avant-hier, dix-sept organisations humanitaires ont publié une lettre ouverte au tout nouveau ministre de l'Immigration et de l'Asile, Notis Mitarakis (en poste depuis le 15 janvier). Ils y expriment leur inquiétude face « au fait que, ces derniers mois, des milliers de demandeurs d'asile, de migrants (sic) et leurs enfants restent sans accès au système de santé publique, au péril de leur vie et de la santé publique ». Le gouvernement a en effet révoqué la possibilité pour les émigrés d'obtenir un numéro de sécurité sociale pour résidant étranger (AMKA), numéro indispensable pour être soigné mais aussi trouver du travail). Ce numéro est « de facto un droit inaliénable d'accès aux soins médicaux et au séjour prolongé » en Grèce, écrivent les dix-sept organisations. « Les structures d'accueil intérieures ont conduit à une situation sans précédent et inacceptable qui fait honte à notre pays et viole les valeurs humaines fondamentales et toute notion de droit national ou international ». Les signataires de la lettre espèrent également que le mandat du nouveau ministre de l'Immigration et de l'Asile « sera la base d'un changement d'attitude, inversant le climat de discrimination et de xénophobie qui s'est développé, contribuant à rendre les bénéfices du pays, de la santé publique, plus largement compris [...] et garantir aux réfugiés (sic) l'accès aux soins, à l'éducation et à l'emploi ».
Je me permets de recopier : « Les structures d'accueil intérieures ont conduit à une situation sans précédent et inacceptable qui fait honte à notre pays et viole les valeurs humaines fondamentales et toute notion de droit national ou international » ; ce ne sont pas l'afflux par milliers et par milliers (59 700 arrivées par la mer et plus de 14 800 par la terre) de demandeurs d'asile envoyé par la Turquie qui ont conduit à cette situation invivable mais les capacités d'accueil... et invivable pour les émigrés, pas pour les Grecs, pour ces organisations dites humanitaires.
Aujourd'hui, jeudi 23 janvier, doit se tenir au palais Máximos à Athènes, la résidence officielle et le bureau du Premier ministre, une réunion politique sur l'immigration entre le ministre de l'Immigration et de l'Asile, le gouverneur et les maires des îles de l'Egée du Nord. Au cours de la réunion, une résolution sera présentée aux habitants des îles de l'Égée du Nord, pour tenter de répondre à leur inquiétude, leur anxiété, tandis que des mobilisations sur les îles pourraient se poursuivre à l'initiative d'organisations locales, des habitants qui demandent simplement « la décongestion immédiate » des îles et le transfert des milliers d'émigrés vers des structures offrant de meilleures conditions de vie, qui ne disent qu'une chose : nous voulons récupérer nos îles, nous voulons récupérer nos vies. Rendez-nous nos îles, rendez-nous nos vies. Nous voulons que nos vies reviennent.
Du début de l'année jusqu'au 15 janvier, 1 464 personnes sont arrivées sur les îles grecques, dont 877 à Lesbos et 249 à Samos. « La restriction des flux migratoires et la décongestion immédiate des îles sont une priorité du gouvernement dans un avenir proche », a déclaré le ministre de l'Immigration et de l'Asile. Pour atteindre cet objectif « deux choses sont nécessaires, premièrement, la surveillance la plus efficace de nos frontières et, deuxièmement, le retour immédiat de ceux qui n'ont pas droit au protection ».
Je ne peux clore cet article sans signaler qu'hier, en France, cinq recommandations ont été faites au gouvernement français par un collège de « praticiens du droit des étrangers » (Le Parisien), composé de directeurs de structures d'accueil, d'enseignants et chercheurs spécialisés dans l'immigration et de représentants associatifs. Très critique au sujet de la politique migratoire du gouvernement, ce collège veut, au nom « des politiques migratoires conformes à toutes les exigences de la République [...], ouvrir le droit au séjour et à la migration du travail » ou encore « la régularisation des personnes non expulsables ». L'objectif? Permettre à un plus grand nombre d'émigrés d'obtenir des titres de séjour. A lire dans Le Parisien. Dans le même temps, on apprenait que vingt-trois « trafiquants de « migrants » venaient d'être arrêtés en France et aux Pays-Bas (ils sont soupçonnés d’avoir fait passer clandestinement dix mille émigrés kurdes vers le Royaume-Uni dans des camions réfrigérés. A lire aussi dans Le Parisien.
Pour une version française des « manifestations » (le mot protestation n'y est pas écrit) dans les îles grecques, on pourra lire Challenges !
Dois-je aussi signaler qu'hier, au lendemain de la publication des chiffres officiels sur l'immigration en France montrant une hausse des demandes d’asile, Nicolas Bay, député européen du Rassemblent national, a parlé de « submersion migratoire » dans l'Express. « Par sa passivité, sa complaisance, le gouvernement se rend complice » d'une « véritable submersion migratoire continue ». Pour les chiffres officiels donnés par l'hebdomadaire : en 2019 la France a enregistré 132 614 demandes d'asile (+7,3%) et délivré 276 576 premiers titres de séjour (+6,8%), dont plus de 90 000 pour des étudiants ; les expulsions ont augmenté de 19% avec 23 746 reconduites.
Source : Neos Kosmos ; Lifo ; Le Parisien ; Le Parisien ; Challenges : L'Express
Photo : rassemblement de Lesbiotes à Mytilène lors de la grève générale le mercredi 22 janvier 2020, Eurokinissi / Ilias Markou ; trois autres prises pendant le rassemblement à Mytilène ce 22 janvier 2020.
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