Dans le slip français

Une soirée entre potes, rien de plus. Mais les vigiles sont là. Et pourtant, Sylvestre aime s'amuser, surtout le 31 décembre, ah ! que même c'est son jour, sa nuit, son petit matin, et sa gueule de bois. La fête, les potes, les bons délires, si ce n'est pas le 31 décembre, alors c'est jamais.

Et patatras ! Encore cette fois, les réseaux sociaux. Sans eux, à l'ancienne si je puis dire, sans l'idée d'aller mettre une vidéo d'un moment de la soirée, rien ni personne... n'aurait mis le feu. Je me souviens de vieux films américains où des jazzmen noirs se grimer en blancs. Ou le contraire, je ne sais plus bien. Là, on a des gars qui bossent dans la même boîte, qui font une soirée, on ne sait pas bien quand, mais là ces derniers jours sans doute, période festive oblige, ils sont tous Noirs et ils sont l'idée de se grimer en Blanc. On appelle cela whiteface, anglicisme oblige. Il y avait un thème pour la soirée : Europe. Rien de plus. Soirée privée, entre potes. On boit, évidemment. Personne n'a penser à lire les étiquettes sur les bouteilles, où c'est écrit : A consommer avec modération. On boit. On fume. Personne n'a regarder le paquet : Fumet tue. Et aucune des personnes présentes n'a pensé à ne pas boire - non merci, mais c'est moi ce soir qui est désigné pour rester sobre - pour raccompagner ces soulards au petit matin. Bien sûr, ils savent tous, et toutes, que si l'un et l'une finissent en aparté dans une des chambres, ce sera protégé : capote obligatoire, journée mondiale de lutte contre le sida 1er décembre, « 37,9 millions de personnes vivant avec le vih à la fin de 2018, 79% ont subi un test de dépistage, 62% ont reçu un traitement et 53% ont réussi à supprimer le virus du vih, éliminant ainsi le risque de transmettre le virus », c'est bon, tous on cela en tête, no alcool, no tabac et 770 000 décès en 2018 liés au sida... 500 000 de prévus pour 2020, bonne soirée les gars, bonne année à tous et à toutes. Allez on s'amuse !

Et patatras ! On finit avec Sos Racisme sur le dos. Des Noirs ne se griment pas en Blanc.

- Et pourquoi t'as balancé la vidéo sur Insta? T'es débile?

Déjà vue plus de cinquante mille fois.

- Je l'ai mise le jour était à peine levé, et déjà cinquante mille vues ! mdr

Et sur Twitter !

- Non, me dit pas que tu l'as mise aussi sur Twitter?

Quasiment un million de vue.

- Tu te rends compte que là on « suscite l'indignation »?

- Certains appellent au boycott de la boîte.

- Pourquoi, c'est dit dans quelle boîte on bosse?

- Ben oui.

- Ô putain !

- On risque la mise à pied là.

Le fondateur de la boîte s'est dit « secoué » par cette histoire et la direction a diffusé un communiqué dans les heures suivantes : « Nous sommes choquée et nous condamnons fermement ces actes. Les deux salariés concernés ont d'or et déjà été convoqués et mis а pied а titre conservatoire ». Dès la première publication le 1er janvier, « on a réagi tout de suite [...] moralement, c'est contraire à nos valeurs »...] on dénonce ces actes-là [...] On a été très fermes avec eux ». Et de promettre la mise en place d'un « programme de sensibilisation sur ces sujets ».

Sos Racisme n'a pas attendu pour monter au créneau. Des Noirs qui se griment en Blancs, pensez donc. L'association anti-raciste a « demandé à ses avocats de déterminer si l'ensemble de ces éléments, pris dans le contexte de la soirée, pourraient être constitutifs d'injures publiques à caractère raciste ». Elle discuterait avec la direction de la « participation de l'association à la mise en place, en interne, d'un programme de sensibilisation aux problématiques du racisme et des discriminations », a détaillé l'association anti-raciste dans un communiqué. « Le plus désolant, c'est que ce sont des jeunes qui soit s'adonnent consciemment à un racisme hypocritement nié, soit ne comprennent même pas qu'ils véhiculent le racisme », a commenté le président de l'association anti-raciste, Dominique Sopo. On ne peut pas humilier les personnes blanches en les ridiculisant, aurait-il ajouté, si j'en crois la dépêche AFP. 

Non pas pour excuser en qui que ce soit et qoi que de soi, une des personnes présenté à cette fête a déclaré : « Pour clarifier les choses, loin de moi la moindre pensée raciste, bien au contraire ! Il s'agissait d'un dîner entre potes sur le thème Africa, rien de plus. Désolée si cela a mal été interprété. Bonne année et viva Africa ». 

Africa? Attendez... Zut ! je me suis planté, ce sont des Blancs grimés en Noirs, ils dansent sur la chanson Sage Africa, Hey là, le type-là, Oui oui, petit blanc, deux hommes et une femme, Allons ambiancer, Saga Africa, Ambiance de la brousse, non, deux femmes et un homme, seule une des deux femmes est maquillée en noir et l'homme imite par moments un singe, des employés du Slip Français, les slips bleu, blanc, rouge fabriqués en France, ce Slip Français qui vise « un impact positif aussi bien sociétal qu'environnemental » en produisant « local ». Attention le type-là, Il est trop dangereux, Viens ma sœur, fuyons. Zut ! c'est ballot mon truc. C'était un blackface, pas un whiteface, mais les réactions de la direction et celle de Sos Racisme qui est immédiatement montée au créneau parce qu'elle pense que ces « éléments, pris dans le contexte de la soirée, pourraient être « constitutifs d'injures publiques à caractère racistes », restent tout à fait pertinentes et justifiées. Dieu merci, pas de deux poids deux mesures. Sos Racisme défend à parts égales les Noirs offensés par des Blancs, nul ne peut en douter.

Source : Le Point

Photo : Le Slip Français, collection bain printemps-été 2019.