Bière allemande
Il y a des gens qui ont de drôles d'idée. En tête de gondole, une bière... hitlérienne. C'est ce qu'on comprend dès qu'on voit les cannettes. Mais elles n'ont pas soixante-quinze ans d'âge, elles n'ont pas été découvertes dans un bunker berlinois oublié ; elles n'ont pas été embouteillées par des soldats feldgrau. Mais elles donnent bien le change... l'insigne... c'est vite compris, et pour le buzz, c'est déjà le déferlement. Cet aigle et cette couronne dessous, franchement, il n'y manque que la croix gammée. « L'idée est d'attirer, de faire le buzz, en mettant l'aigle allemand sur les étiquettes », écrit le magazine allemand Focus, l'aigle allemand façon hitlérien, c'est à dire avec une couronne dessous dans laquelle... il manque la croix gammée. L'aigle regarde son aile droite, il s'agit donc bien du Reichsadler qui remonte à l'empire allemand de 1848. Un Reichsadler qui fut réutilisé par la république de Weimar en 1928. Pour un Allemand, c'est donc l'aigle allemand depuis un bout de temps (à peu près comme nous Français notre drapeau tricolore et notre Marseillaise). Hitler y adjoignit sa croix gammée en 1935, et c'est justement cette croix gammée qui manque à ces étiquettes pour faire... « nazi ». Cela n'empêche pas Focus d'écrire (pour faire le buzz?) : « Un magasin de boissons de Bad Bibra dans le sud de la Saxe-Anhalt propose une bière pleine de symbolisme néo-nazi ». En fait, de « néo-nazi » on trouvera seulement le prix : 18,88 euro. Comprenne qui pourra ! « Le nombre "18", explique Focus, est un code pour les première et huitième lettres de l'alphabet, le A et le H qui sont les initiales d'Adolf Hitler ». Quand au 88 il signifie Heil Hitler pour les néonazis. C'est donc évident pour tout le monde ! Focus s'accroche aussi à l'emploi sur les étiquettes de cette « écriture gothique, prisée des néo-nazis ». Que je sache, le caractère gothique est employé depuis Gutenberg au quinzième siècle si ce n'est depuis le Moyen Age, et n'est pas à ce jour interdit en Allemagne. Donc à part le prix, rien de « nazi » ou de « néo-nazi ». Le magazine continue pourtant. « La vente de cette bière avec des symboles nazis a provoqué l'indignation à la fois localement et en ligne ». La croix de fer dessous, me direz-vous ! voilà un insigne « nazi ». Cette croix, qui remplace la croix gammée de l'époque hitlérienne dans la couronne, c'est la croix de fer de la Bundeswehr, l'armée allemande d'aujourd'hui. Elle est sur les blindés, les drapeaux. Créée en 1813, cette croix militaire fut de tous les combats depuis, de toutes les victoires et de toutes les fiertés allemandes, de la république de Weimar comme du troisième reich hitlérien. Elle revint officiellement dès 1950 grâce au président de la république fédérale d'Allemagne.
« Un extrémiste de droite du sud de la Thuringe est derrière ces étiquettes et la police de Saxe-Anhalt est sur l'affaire », poursuit Focus. Le buzz verra vendre aussi le magazine. « La nouvelle marque de bière a été annoncée en ligne par Tommy Frenck plus tôt cette année ». Il faut savoir qu'il est possible de mettre en circulation sa propre bière. Tommy Frenck? « Dans le dernier rapport de l'Office de Thuringe pour la protection de la Constitution, Frenck est répertorié comme un extrémiste de droite ». Il tient une auberge à Kloster Veßra (district de Hildburghausen), et « un festival néo-nazi a lieu chaque année à Themar, près de Kloster Veßra »...
Pour sa part, Tommy Frenck prétend sur son site internet que c'est le ministre de l'Intérieur de Thuringe, Georg Maier, qui lui a donné l'idée de la bière. Elle se viendrait comme des petits pains lors du prochain festival. Rien qu'un bon business.
La police a depuis cherché à savoir si la bière dans le magasin à Bad Bibra, chargée de symbolisme néo-nazi, est pénalement condamnable et, « selon une porte-parole de la police, l'étiquette a été vérifiée au Bureau de la police criminelle de l'Etat par des spécialistes qui connaissent bien les symboles d'extrême droite et néo-nazis : ce n'est pas condamnable, cela peut donner l'impression mais ce n'est pas pénalement condamnable ».
Depuis, dans le magasin un panneau indique que le stock de Deutsches Reichsbräu est épuisé et qu'il sera réapprovisionné début février. C'est effectivement parti comme des petits pains.
Aujourd'hui 27 janvier 2020, c'est le 75e anniversaire de la libération du camp d'extermination hitlérien d'Auschwitz.
Source : Focus ; Reichsbräu
Photo : capture d'écran/Facebook/Götz Ulrich 23 janvier 2020.
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