Aider les vocations

Ce sont tous des jeunes, c'est la caractéristique. Ce sont les disciples de l'Annonciation. Des hommes bien sûr, de don et de charité, des moines, des frères. Leur robe est une robe noire, longue jusqu'aux pieds, rappelant la soutane des prêtres. Ils constituent une communauté mariale qui a choisi Marie, Mère de Jésus, comme mère, maîtresse et modèle de chacun de ces jeunes hommes. Jeunes, tant par l'âge des moines que par la fondation de cet ordre (elle remonte à 2005). Ils sont une dizaine. Ils sont là par la volonté du Père Giglio Maria Gilioli, prêtre véronais déjà membre d'un autre institut religieux (celui des serviteurs de Nazareth), qui, sentant la nécessité de soutenir les familles et se tournant vers les jeunes garçons pour les aider dans leur discernement vocationnel, a fondé l'ordre des disciples de l'Annonciation en 2005, à Prato au nord-est de Florence. Né pour garder le lien de l'entreprise familiale, pour aider les jeunes garçons aux prises avec une vocation incertaine et pour aider les prêtres et les religieux à vivre pleinement leur ministère, l'ordre ne compta jamais un grand nombre de moines. Don Giglio Maria Gilioli fut accueilli par l'évêque de Prato, Monseigneur Gastone Simoni, et à partir de là sa petite communauté fut reconnue par le prélat. Il fut aussi accueilli par l'archevêque de Lucca qui, après s'être renseigné sur l'institut religieux, décida au printemps 2011 de lui confier le sanctuaire de la Madonna de l'Eremita (l'ermitage de Calomini à l'est de Naples dans la commune de Fabbriche di Vergemoli). Jusque là il ne servait plus qu'à héberger quelques pèlerins et à y laisser un père capucin y dire une messe chaque septembre à l'occasion de la fête du Couronnement de la Bienheureuse Vierge Marie, il ne pouvait donc pas mieux convenir, vu que les disciples de l'Annonciation suivent et mettent en pratique le « Me voici » de Marie à l'archange Gabriel. 

Sept jeunes hommes s'installèrent dans le sanctuaire marial. Salle des confessions, réfectoire, dortoirs, chapelles, église, cloître, corridors ; ils lui redonnèrent vie. Ces peu nombreux jeunes disciples de l'Annonciation (dix moines sont restés à Prato) ont pour règle la charité et l'aide aux familles. Ils se rendent disponibles à l'autre, ils aident les garçons à faire émerger leur attirance pour la prêtrise et les forment. C'est un ordre qui fonctionne comme les autres ordres. Leurs vœux sont au nombre de quatre : pauvreté, chasteté, obéissance et abandon au cœur immaculé de Marie. Ils ont une vie communautaire marquée par la prière. Tous les sept font ensuite des travaux ménagers tels que la cuisine, la lessive et le nettoyage. Pour les futurs prêtres, (des italiens et des étrangers), après leur période de formation, les garçons entrent dans l'ordre, puis arrivent le noviciat et la prise de la robe. La taille est entourée d'une bande au bout de laquelle l'Annonciation de Marie est représentée en bleu. De l'autre côté, ils portent un long chapelet. Une fois leurs vœux prononcés, les nouveaux prêtres ajoutent à leur nom de baptême celui de Marie. Depuis sa nouvelle affectation, des pèlerins de toute l'Italie viennent visiter ce sanctuaire isolé à flanc de montagne en dessous de Calomini, qui jadis donc fut habité par des ermites. Tous, prêtres, frères, novices, vivent d'aumône, ne demandent rien et ce qu'il leur reste le soir est donné aux nécessiteux. En ce printemps 2011, le fondateur de l'ordre, le père Giglio Maria Gilioli, s'est installé avec les sept jeunes hommes. Ils furent donc huit.
Trop peu de personnes. A Prato comme à Calomini. La vie, pourtant, devait y être un rêve pour ces jeunes hommes guidés par Don Giglio Maria Gilioli, alors âgé de soixante-cinq ans. La communauté, la prière, la bonté, les frères, les novices, les pèlerins de passage. Mais voici quelques semaines, le Vatican a émis « de forts doutes sur le style de gouvernance du fondateur de cette communauté et son aptitude à remplir ce rôle ». Rien, de bien important en soi, mais tout de même, puisque dans le même temps, le Saint-Siège réprimait les Disciples de l'Annonciation pour « graves manquements ». Réprimer? En fait, il y a un mois et demi l'ordre des Disciples de l'Annonciation a été tout bonnement dissout par un décret de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée du Saint-Siège, en raison « d'une série de problèmes » (Sara Bessi dans La Nazione, journal florentin). La charité ne suffit donc pas pour vivre et former les futurs prêtres?
On apprend : les bureaux de la congrégation à Prato et ceux de l'ermitage ont fait l'objet de perquisitions par des policiers à la recherche de preuves qui étayeraient des accusations portées par deux garçons contre les moines, des accusations d'actes sexuels sur eux de la part de cinq prêtres, un frère et trois religieux, quand ils étaient mineurs, et pendant plusieurs années. Diable ! dans cette Toscane idyllique, dans cet ermitage enfoncé dans la montagne, coupé, isolé du monde par une forêt assommée de soleil ardent, dans le chant des cigales, dans la fraîcheur des cellules monastiques, deux garçons aujourd'hui adultes, deux frères, mineurs entre 2008 et 2016, huit années pendant lesquelles ils disent avoir été violentés, menacés, abusés sexuellement par ces neuf jeunes moines qui, c'est plutôt vrai que faux par le contexte de réclusion monastique, les avaient à disposition. Parmi les prêtes dénoncés, Don Giglio Gilioli lui-même (il est aujourd'hui âgé de soixante-treize ans).
Confiés aux moines du père Giglio Gilioli alors qu'ils étaient très jeunes par leurs parents pour des raisons de soins, d'éducation, d'instruction et de garde, les deux dénonciateurs d'aujourd'hui affirment, pour l'un qu'il s'agirait de pratiques qui auraient eu lieu entre 2008 à l'été 2016 à la fois à Prato et à Calomini, et pour l'autre qu' il s'agirait de maltraitances subies à Prato par deux des religieux et qu'il aurait de subir des actes sexuels de 2009 à 2012. Une enquête est ouverte et les enquêteurs, suite aux dires des deux accusateurs, soupçonnent huit des neuf jeunes moines d'avoir non seulement utilisé pour leurs plaisirs sexuels chacun des garçons mineurs en séparé ou les deux ensemble, mais de les avoir utilisés en groupe - les huit ensemble? -, les obligeant là encore par la menace, la violence et le simple abus d'autorité, à des « sévices et des violences sexuelles de groupe » - des abattages? - auxquels, selon des extrapolations des enquêteurs à partir de ces dires, auraient pu être invités à prendre part d'autres personnes en plus des trois, quatre, cinq, six, sept ou huit jeunes moines selon les fois où cela a pu - aurait pu - arrivé.
Voilà où cette histoire en est. 
 
L'évêque de Prato, Giovanni Nerbini, a confirmé l'enquête ouverte et confiée par le Procureur de la République de Prato à la Brigade mobile de police dans un communiqué publié sur le site internet du diocèse, dans lequel il encourage la justice italienne à faire toute la lumière sur l'affaire. Il précise que l'un des garçons, entre temps devenu adulte, s'était adressée au diocèse il y a quelques mois (pas de date donnée) pour dénoncer les pratiques de neuf moines qu'il aurait subies au sein de cet ordre religieux et que l'évêque de l'époque avait alerté la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican, ce qui a débouché sur un procès pénal et une enquête vaticane interne. L'évêque Giovanni Nerbini a indiqué aussi s'être rendu, avant les conclusions de l'enquête vaticane, auprès du procureur de la République de Prato pour l'informer des pratiques dénoncées par l'adulte venu le voir.
Les perquisitions menées dans les bureaux de Prato et Calomini, mais aussi dans un troisième bureau ouvert à Aulla, ont eu lieu par que les enquêteurs croient que les accusés pourraient conserver dans ces bureaux des documents papier et informatiques - y compris des enregistrements audio et vidéo - relatifs à l'utilisation sexuelle des garçons. Des documents d'où pourrait aussi émerger, pensent les enquêteurs précisément à partir des déclarations des deux frères, l'existence d'autres garçons ayant subis les mêmes pratiques. En tout cas, de lourds indices laissent présager des développements et des investigations ultérieurs.
 
« Le disciple de l'Annonciation est un évangélisateur. Il est appelé à porter l'annonce de l'Evangile aux enfants de l'adolescence à la jeunesse, aux fiancés et aux époux, aux religieux consacrés et aux prêtres. La communauté exerce pour l'essentiel l'apostolat en collaboration avec les curés, donc dans les paroisses », peut-on lire sur le site internet de la communauté, cité par Sara Bessi dans La Nazione. De belles paroles pour un apostolat...

 

Photo : quatre disciples de l'Annonciation en 2005 ; les moines mariaux à l'ouverture de l'ermitage de Calomini en mai 2011 (le deuxième à partir de la droite est Don Giglio Maria Gilioli ; l'ermitage de Calomini.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le Bloc-notes [6]

Le bloc-notes [9]

Matteo Salvini s’impose à tous