Tires et petites meufs

 

Dans le bureau de l'atelier carrosserie, des photos de filles dénudées. Elles viennent de calendriers des années passées. On voit ces jolis papiers glacés aussi dans les cabines des routiers. Je devrais dire on voyait, car par ces temps où les hommes sont dévirilisés, il est devenu bizarre de voir une telle chose et une fille faisant du stop aujourd'hui ne monterait plus dans la cabine d'un routier exhibant de tels témoignages d'intérêt pour le sexe faible.

Disons-le, depuis des semaines, que dis-je? des mois on est gavé de « violences conjugales », de « violences faites aux femmes », jusqu'à ce néologisme de « féminicide » inventé et une « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes » (25 novembre). Des commissions, des études, des statistiques... ce qui court le monde depuis sa naissance, par exemple les femmes butin de guerre pris à l'ennemi après la victoire - conquérir c'est aussi prendre les femmes des vaincus - est aujourd'hui le mal absolu. Prendre le bistouri et émasculer les hommes pour lutter contre leur sexisme et leur violence. Copions les harems où seuls les eunuques peuvent rester auprès des femmes en l'absence du... propriétaire. Vivent les châtrés ! au sens propre comme au sens figuré : vivent les hommes sans virilité physique et morale. Facile d'oublier Solin, l'eunuque qui punissait les femmes de son maître en les frappant (les Lettres persanes de Montesquieu), ou le kislar-aga, cet eunuque en chef, l'homme le plus redouté après le sultan dans l'empire ottoman (Voyage en Orient de Gérard de Nerval). Table rase. Nouvelles bases. Pour une main aux fesses, bannissement à vie ; pour un regard brûlant de désir, six ans de prison avec cinq non-eunuques érotomanes pour compagnons de cellule ; un an de camp de rééducation pour un compliment lâché dans un ascenseur...

Aux Pays-Bas, huit hommes viennent d'être arrêtés après soupçons de viols collectifs dans un garage automobile. « Les filles ont probablement été droguées avant d'être abusées sans défense par plusieurs hommes du groupe [...] Dans certains cas la violence a été utilisée ». Au moins trois filles, de quinze et seize ans. A cet âge, comment sont-elles arrivées dans ce garage? En évoquant ces hommes, à plusieurs reprises la police parle de « groupe ». Huit mecs. « Les enquêteurs ont affirmé avoir des indications que davantage d'adolescentes ont été victimes du groupe, mais elles n'ont pas encore fait la démarche de porter plainte, notamment par crainte de représailles ». Ces huit arrestations « pourraient les aider à parler ». Un gang de violeurs, comme les Pakistanais en Royaume-uni? Non, ils ne sont que huit, ce n'est pas comparable avec les dizaines et les dizaines de types qui violaient les petites anglaises. Huit hommes entre dix-huit et vingt-six ans. Chez certains d'entre eux, lors de perquisitions la police a trouvé des photos des trois filles... dénudées (mais pas de calendrier Pirelli dans le garage). Chacune a porté plainte « séparément », mais toutes ont déclaré avoir été violées par plusieurs hommes à des moments différents, après être entrées en contact avec le groupe via les réseaux sociaux ». Ha ! ces saloperies de réseaux sociaux, sans eux, comment seraient-elles arrivées dans un garage automobile? Facile, sur un clavier, de taper : 

- T'as quel âge ma puce? 

Et d'obtenir cette réponse : 

- T'inquiètes, j'ai seize ans (aux Pays-Bas la présomption de non-consentement est fixée à seize ans). 

« Violées par plusieurs hommes à des moments différents »? Que comprendre? A part leurs accusations et leurs photos dénudées dans le garage, qu'a la police? Venaient-elles ensemble au garage? Cela n'est-il arrivé qu'une fois? Ou chacune, dupée tour à tour pour le plaisir sexuel de « plusieurs hommes » entre capot défoncé et cuve à vidange, venait-elle seule? Et pour les huit en commun? A la collégiale? Tous pour un, un pour tous? Au moins trois filles... quinze et seize ans. Les plaintes ont été déposées au début de l'année et les experts légistes ont fait des « analyses de traces » en avril dans une pièce du garage où les viols auraient eu lieu d'après les dires des trois adolescentes. Début d'année... avril... et il a fallu attendre décembre, soit presque un an, pour que les huit hommes désignés violeurs collectifs par les adolescentes soient arrêtés? Sûrement pas des mecs au look androgyne avec un intellect important, plutôt des mecs qui ne savent pas se mettre du gel dans les cheveux et qui ne s'admirent pas deux heures dans un miroir tous les matins, et tous les midis, et tous les soirs ; sûrement des hommes aux mains rêches qui transpirent quand ils élaguent les arbres du jardin et jurent des « bordel de putain de merde » en réparant leur tire adorée.

 

Post-scriptum : le calendrier Pirelli 2020 vient d'être dévoilé, le thème est un clin d'œil à la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette ; le photographe italien Paolo Roversi a fixé « sur papier glacé tops emblématiques, artistes talentueux et actrices de génies se prêtant au jeu de l'effeuillage » (Vogue). 

 

Mis à jour du post-scriptum le 5 décembre 2019.

Source : Le Soir ; Le Parisien ; Vogue

Photo : photo dénudée ; mec occupé à réparer sa voiture.