Retour perdant
En cet entre-deux, Noël et Saint-Sylvestre, j'aurais pu commencer ainsi :
Absent depuis quatre matches à cause d'une entorse à la cheville droite faite le 14 décembre contre Miami, Luka Dončić a effectué hier à Los Angeles un retour convaincant avec les Dallas Mavericks, vainqueurs des San Antonio Spurs 102-98 dans le championnat nord-américain de basket-ball (NBA). Manquant à lui seul vingt-quatre points, il a signé un huitième triple-doubles. Vingt ans, 2,01 m, il est le seul joueur de basket-ball à avoir réussi une telle performance en NBA cette saison, ajoutant 10 rebonds et 8 passes décisives lors de son premier match depuis qu'il s'est fait.
J'aurais pu, mais l'actualité n'est pas le Slovène. Ni même un nourrisson de sept mois élu maire de Whitehall, au Texas, pour promouvoir la lutte contre l'IVG. Ou encore un tribunal d'Istanbul condamnant à la prison six journalistes turcs d'un journal d'opposition à Recep Tayyip Erdoğan. Cela aurait pu être Marvin, en Allemagne, quinze ans, garçon disparu depuis deux ans et retrouvé par hasard caché dans un placard chez un homme de quarante-quatre ans présumé pédosexuel (la police effectuait une perquisition à son domicile car elle le soupçonnait de distribuer du matériel pédopornographique), sans qu'on sache s'il était retenu depuis deux ans contre son gré, manipulé par l'homme ou s'il était là par sa volonté (il avait disparu d'un foyer en juin 2017 où il avait été placé après la mort de son père).
L'actu, ce 27 décembre, c'est Gabriel, au milieu d'une époque où « la littérature passait avant la morale », par exemple sur le plateau d'une émission de télé Apostrophes. L'actu de ce 27 décembre 2019 c'est l'émission du 2 mars 1990, quand Bernard Pivot, le présentateur, demandait en souriant à son invité Gabriel Matzneff : « pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans les lycéennes et les minettes? » et que l'écrivain répondait par une plaisanterie : « je n'ai jamais eu aucun succès auprès des femmes de vingt-cinq, trente et plus ». La séquence tourne en boucle sur les réseaux sociaux. On voit Matzneff expliquer sa préférence pour les jeunes filles : « une fille très jeune est plutôt plus gentille, même si elle devient très, très vite hystérique et aussi folle que quand elle sera plus âgée ».
L'actu, ce 27 décembre, c'est Gabriel, au milieu d'une époque où « la littérature passait avant la morale », par exemple sur le plateau d'une émission de télé Apostrophes. L'actu de ce 27 décembre 2019 c'est l'émission du 2 mars 1990, quand Bernard Pivot, le présentateur, demandait en souriant à son invité Gabriel Matzneff : « pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans les lycéennes et les minettes? » et que l'écrivain répondait par une plaisanterie : « je n'ai jamais eu aucun succès auprès des femmes de vingt-cinq, trente et plus ». La séquence tourne en boucle sur les réseaux sociaux. On voit Matzneff expliquer sa préférence pour les jeunes filles : « une fille très jeune est plutôt plus gentille, même si elle devient très, très vite hystérique et aussi folle que quand elle sera plus âgée ».
Pourquoi comme cela soudain, trente ans plus tard? Parce que le 2 janvier prochain sortira un livre, Le Consentement, où Vanessa Springora raconte sa relation avec l'écrivain quand elle avait quatorze ans. Ce qui était bien vu, quasi célébré en 1990 et aujourd'hui très mal vu, très incorrect. On pourrait se souvenir de Daniel Cohn-Bendit, sur le même plateau, en 1975, venu parler de son livre Le Grand Bazar, et expliquant, devant un Bernard Pivot souriant, qu'à l'époque où il était aide-éducateur dans un jardin d'enfants à Francfort, des gosses de six ans lui ouvraient la braguette et le chatouiller, et que, s'ils insistaient, qu'ils les caressait. On pourrait se souvenir qu'il récidiva, toujours devant un Pivot souriant, le 23 avril 1982 : « Vous savez que la sexualité d’un gosse, c’est absolument fantastique. […] Quand une petite fille, de 5 ans, commence à vous déshabiller c’est fantastique ! C’est fantastique parce que c’est un jeu absolument érotico-maniaque ! »
Personne ne trouvait rien à redire, on ne poursuivait personne en justice. « Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque. », a tweeté ce matin Bernard Pivot, qu'une tempête médiatique risque d'emporter en même temps que que l'écrivain fétiche de ces anciennes années. Il y a trente ans, personne n'aurait monté en boucle que le jeune Marvin, treize ans quand il fugue, serait rester contre son gré chez un homme pédosexuel de l'a^ge de son père, pendant deux ans. Personne n'aurait relever qu'après ces deux années, sa mère a dit qu'elle l'avair revu avec les mêmes vêtements que deux ans auparavant. Personne n'aurait parlé de « victime » et le couple Matzneff-Cohn-Bendit aurait célébré cet homme pour son goût des jeunes garçons. « Dans le monde de l'édition, depuis les années 1960, tout le monde connaissait le goût de l'auteur Gabriel Matzneff pour "les moins de seize ans", sans que le malaise n'ait nuit à sa carrière », écrit L'Express. Je me souviens d'avoir lu Nous n'irons plus au Luxembourg. Gabriel Matzneff y racontait comment il draguait les filles et les garçons notamment dans les églises orthodoxes à Paris. Tout se faisait et se passait naturellement. « Il aura fallu attendre 2019, et la parution de l'ouvrage de l'éditrice Vanessa Springora, pour relancer le débat entre défenseurs de l'écrivain, dénonçant une forme de puritanisme voire un procès fait à une époque révolue, et ceux défendant les victimes (sic) de pédophilie et de toutes les violences sexuelles », écrit encore L'Express.
Le 2 mars 1990, sur le plateau d'Apostrophes face à Gabriel Matzneff, il y avait d'autres invités. Un seul d'entre eux n'avait pas le sourire en écoutant l'écrivain racontait ses aventures sexuelles. Il s'agissait de Denise Bombardier, Québéquoise, venue présenter de son livre Tremblement de cœur. Elle osa même... apostropher, et elle fut bien la seule, l'amoureux des jeunes filles et jeunes garçons. indignée, elle déclara : « Je crois que je vis actuellement sur une autre planète. J'arrive d'un continent où il y a un certain nombre de choses auxquelles on croit. Moi, Monsieur Matzneff me semble pitoyable. Ce que je ne comprends pas […], c'est que dans ce pays, la littérature entre guillemets serve d'alibi à ce genre de confidences. […] Monsieur Matzneff raconte qu'il sodomise des petites filles de quatorze ans, quinze ans […]. On sait que les vieux messieurs attirent les petits enfants avec des bonbons. Monsieur Matzneff, lui, les attire avec sa réputation. Mais ce que l'on ne sait pas, c'est comment ces petites filles de quatorze ou quinze ans […] qui ont subi ce qu'on appelle dans les rapports entre des adultes et les jeunes un abus de pouvoir, comment s'en sortent-elles après coup? Moi, je crois que ces petites filles-là sont flétries - et la plupart d'entre elles flétries peut-être pour le restant de leurs jours. »
Bruits et fureur, le livre ne sortira que dans une semaine mais c'est déjà la tempête.
Source : Le Parisien ; L'Express ; Le Parisien ;
Photo : Luka Doncic lors d'un match avec les Mavericks contre Minnesota, le 4 décembre 2019 à Dallas, Ronald Martinez/AFP.
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