Quelques sinistres dames et messieurs


C'est comme le Père Noël, mais en femme. Les jours (qui viennent) sont à la joie. Madame le ministre de la Justice et garde des Sceaux n'en doute pas. Elle est donc venue soutenir par sa présence remarquée l'association Tous migrants qui sévit dans les Hautes-Alpes à la frontière italienne, et Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) puisque toutes deux ont été primées par la Commission consultative des droits de l'homme (CNCDH) de ministère de la Justice (le thème de la fraternité). La présence du ministre n'était pas obligatoire mais madame Belloubet voulait congratuler en personne, sous les ors de la République, excusez du peu, cette aide, cette assistance à des clandestins qui entrent en France par exemple par les Alpes, là-bas à Briançon, au col de l'Echelle où ces salauds de Génération Identitaire... Defend Europe ! souvenez-vous : les doudounes bleues en avril 2018, les ont repoussé le temps d'un week-end. Nos chères associations, elles, elles font passer des clandestins tous les jours, toutes les nuits. Et madame Belloubet, ministre de la Justice, voulait voir ces gentils et remettre elle même le prix attribué à tant et tant de fraternité. Cette cérémonie honore des personnes qui « par leur courage, leur dévouement au service de l'autre, œuvrent dans des conditions parfois difficiles pour ériger les principes des droits de l'homme en une réalité », a déclaré Nicole Belloubet, avant de saluer l'« utopie nécessaire » des lauréats qui ont, pour leur part, apprécié un « acte politique fort » du gouvernement (Laure Palun, directrice de l'Anafé), sans s'empêcher, cependant, de rappeler le côté action « criminalisée » de leur aide : « à l'heure où les politiques migratoires se durcissent, soutenir notre action [...] laisse espérer que l'amélioration de la situation des exilés et celle de ceux qui leur sont solidaires est une préoccupation des autorités françaises » (Alexandre Moreau, président de l'Anafé, il a ensuite cité les personnes poursuivies en justice « pour avoir érigé ce principe de fraternité en devoir de solidarité »). Car aider un clandestin à entrer en France est un délit, c'est être un délinquant. Mais non, plus maintenant, « vous êtes des défenseurs des droits fondamentaux », aurait pu leur répondre madame le sinistre. « L'idée était d'interpeller le ministère » a voulu expliqué à la presse Stéphanie Besson, cofondatrice de Tous migrants. « Le fait que Nicole Belloubet vienne nous délivrer cette récompense en personne, c'est qu'elle a conscience que les droits de l'homme sont bafoués en France ». Et la presse de relayer la suite de ses propros : après avoir exercé  « le devoir d'assistance à personne en danger », les militants de son association ont subi « des intimidations, de la répression, des condamnations [...] Par conséquent, le devoir de fraternité s'est trouvé criminalisé. 
 
L'aide à l'entrée irrégulière d'étrangers sur le territoire français est un délit depuis 1938 au moins. Mais amalgame aidant entre passeurs, migrants (sic) et ceux qui les aident charitablement, des exemptions ont été introduites. Hé oui ! hé oui ! La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 (présidence Emmanuel Macron)  pour une immigration maîtrisée (sic), un droit d'asile effectif et une intégration réussie (sic) (art.38) a modifié l'article L. 622-4 du Ceseda qui régit ces exemptions pénales. Cette modification s'applique depuis le 11 septembre 2018 y compris aux infractions déjà commises (instruction du ministre de l'intérieur (Gérard Collomb) relative aux dispositions immédiatement applicables de la loi du 10 septembre 2018, §3.3 et circulaire du garde de Sceaux (Nicole Belloubet) du 5 décembre 2018 présentant les dispositions de droit pénal immédiatement applicables de la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018. On va le souligner : aider les clandestins à entrer sur le territoire français « pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ». Macron, Collomb, Belloubet.
Il faut être honnête, un coup de pouce avait déjà été donné par François Hollande en 2012. 

Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012. L'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans cette rédaction, prévoit :

Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsqu'elle est le fait : 

1° Des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l'étranger ou de leur conjoint ; 

2° Du conjoint de l'étranger, de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l'étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ; 

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci. Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s'appliquent pas lorsque l'étranger bénéficiaire de l'aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d'une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

La version applicable depuis le 11 septembre 2018 est :

Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l'aide à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger lorsqu'elle est le fait : 

1° Des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l'étranger ou de leur conjoint ; 

2° Du conjoint de l'étranger, de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l'étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ; 

3° De toute personne physique ou morale lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire. Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s'appliquent pas lorsque l'étranger bénéficiaire de l'aide à la circulation ou au séjour irréguliers vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d'une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

Hollande, Macron... les lois ne sont pas inscrites dans le marbre, et madame Belloubet est très heureuse. Pas de souci : le Conseil constitutionnel est parfaitement d'accord. Il en fut même d'accord avant les représentants du peuple qui votèrent le changement de 2018, on peut dire qu'il précéda, influença ce changement et grâce à qui? Au regard admiratif des médias mainstreams sur les hors-la-loi Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, passeurs récidivistes de clandestins dans les Alpes (Vallée de la Roya). Condamnés par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, les deux hommes s'étaient pourvus en cassation *, invoquant l'inconstitutionnalité des dispositions qui avaient servi de fondement à leurs condamnations, vous l'avez deviné, : les articles L. 622-1 et L. 622-4 du Ceseda, le principe de nécessité et de légalité des délits et des peines mais aussi la méconnaissance du principe de fraternité. La Cour de cassation, par deux décisions du 9 mai 2018, avait alors transmis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel. La décision du Conseil constitutionnel (qui vaut jugement) tomba la 6 juillet 2018, tandis que députés et sénateurs discutaient sur la pertinence de modifié l'article L. 622-4 du Ceseda de la loi... 

Quelle fut cette décision, prise par les membres de ce Conseil constitutionnel, autrement dit Laurent Fabuis, président, Claire Bazy Malaurie, Jean-Jacques Hyest, Lionel Jospin, Dominique Lottin, Corinne Luquiens, Nicole Maestracci et Michel Pinault?

Article 1er. - Les mots « au séjour irrégulier » figurant au premier alinéa de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, sont contraires à la Constitution.

Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 14, le 3 ° de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la même loi, est conforme à la Constitution.

Article 3. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 23 et 24 de cette décision.

Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 
Les mots « au séjour irrégulier » sont contraires à la Constitution. Quant au « principe de fraternité », sur le fond le Conseil présidé par Laurent Fabius jugea qu'aux termes de l'article 2 de la Constitution, la devise de la République étant Liberté, Egalité, Fraternité, et la Constitution se référant également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité, il en ressortait que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle. « Il découle du principe de fraternité la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
Voilà comment un ministre de la Justice, garde des Sceaux peut féliciter, glorifier des personnes qui font entrer sur le territoire français des clandestins. C'est pas beau? Madame Belloubet, messieurs Collomb, Fabius et Jospin, je vous adore. 
Croix de bois, croix de fer, vous avez juré de nous faire vivre...
 

 
* Cédric Herrou a été condamné en février 2017 pour avoir aider environ deux cent étrangers à entrer clandestinement sur le territoire français ; Pierre-Alain Mannoni a été condamné en janvier 2017 pour avoir hébergé trois femmes étrangères entrées clandestinement sur le sol français. 
* Sinistre (adjectif) : qui fait craindre un malheur, une catastrophe. Le Robert.

Photo : des gendarmes contrôlent l'entrée de la vallée vallée de la Clarée, vers Montgenèvre non loin de la frontière entre l'Italie et la France, le 23 avril 2018 (Jean-Pierre Clatot, AFP) ; venant d'Italie un clandestin cherche le col de l'Echelle pour entrer en France (Piero Cruciatti, AFP).

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