Pression médiatique

 
Président du Comité Economique et Social de 2010 à 2015, il avait refusé une pétition de sept cent mille signataires contre le mariage pour tous. Jacques Chirac le surnommait le Grand con (il a été son ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat). Jusqu'à hier, avant sa démission « fracassante » (pour reprendre le terme lu dans la presse), il était Haut commissaire à la réforme des retraites (on est en pleines négociations sur le projet de réformes des retraites voulu par Macron et le lot de grèves et manifestions qui vont avec). C'est le douzième ministre démissionnaire depuis les débuts du gouvernement Macron (mai 2017). Il prend la suite des Nicolas Hulot, François Bayrou, Marielle de Sarnez, Richard Ferrand, François de Rugy... 
L'article 23 de la Constitution : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ». Et on découvre qu'il occupe deux emplois payés dans le domaine de l'assurance et onze « occupations » bénévoles, soient treize postes en plus de sa fonction de membre du gouvernement d'Edouard Philippe comme Haut commissaire des retraites (qui vaut statut de ministre). De qui parle-t-on. Jean-Paul Delevoye. Acculé par la pression médiatique, il a démissionné hier, reconnaissant sa « légèreté coupable » et s'est engagé à rembourser les salaires perçus pour ses deux emplois dans l'assurance, illégalement donc, soit la somme de 147 000 euro (c'est donc qu'il les a, qui est capable de débourser, comme ça, 147 000 euro). On ne se souvient peut-être pas que pendant sa campagne électorale le candidat Macron avait promis une « république exemplaire ». C'était compté sans la... pression médiatique. Mais Macron avait aussi promis « la transparence ». A défaut de transparence sur les emplois cachés de Delevoye, contrevenant à l'article 23 de la Constitution, en voilà qui sont pris en fraude, car peut-on imaginer que ni le premier ministre Edouard Philippe ni le président de la république, garant de la Constitution, ne connaissaient pas les activités du vieux-routard de la politique qu'est le très-politiquement-correct-chiraquien Jean-Paul Delevoye? Il est passible de 45 000 euro d'amende et de trois ans d'emprisonnement.
 
Autre pression médiatique. Par l'intermédiaire des réseaux sociaux cette fois. Des associations s'érigent en censeurs, avec les meilleures intentions du monde, bien entendu, en utilisant la toute puissante qu'offrent Facebook et Twitter. Leurs cibles : les marques qui passent de la publicité avant, pendant et après des émissions de télévision qu'ils jugent... politiquement incorrectes. L'exemple le plus frappant est celui de Face à l'info sur CNews. Depuis son lancement le 14 octobre dernier, l'émission n'est précédée ni coupée ni suivie d'une page de pub. La plus connu de ces associations est Sleeping Giants (Géants endormis), basée aux Etats-Unis. Elle réussit même à forcer les marques à ne plus passer de pubs dans les journaux et magazines papier. Le manque à gagner pour les chaînes de télé et la presse papier visées - on parle là des médias privés qui ne vivent que de la publicité - peut avoir des conséquences funestes.
« Ce n’est pas le rôle d’associations [...] de s’installer comme censeurs », s'insurge dans Challenges le directeur général de l’Union des marques (UDM), Jean-Luc Chetrit, qui représente deux-cent-trente entreprises actives dans les médias à travers la publicité et plus de mille-cinq-cents marques. La raison de ce chantage pour Face à l'info? L'embauche d'Eric Zemmour : « si vous passez de la pub avec cette émission c'est que vous cautionnez ce qu'il dit ». Ce n'est pas plus compliqué. Cette pression n'est autre que de dire : « vos clients vont vous assimiler à Zemmour, ce fasciste, ils font penser que vous êtes d'accord avec ses idées nauséabondes ». Ainsi, depuis son lancement le 14 octobre Face à l'info n'a pas d'annonceurs. C'est même plus grave encore : devant cette nouvelle forme de militantisme, cet activisme, des Sleeping Giants (ils se présentent eux-mêmes comme étant des antifas), les annonceurs sur CNews refusent de passer de la pub pour l'émission que précède et pour celle qui suit Face à l'info. Ces associations, dont les membres sont tous anonymes, n'ont aucune représentation légale. Pourtant, en interpellant directement les marques sur Twitter et Facebook, elles parviennent à mettre une telle pression : retirez votre publicité de telle émission, tel journal, tel magazine. Cette émission Face à l'info, et la chaîne CNews par conséquence, ces journaux, ces magazines, qui assurent une pluralité de pensées - le pluralisme - sont donc directement attaqués au porte-monnaie. Pour citer une seconde fois la Constitution, l'article 34 fixe « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Et le Président de la république est le garant de la Constitution. 
En attendant... avec cette entrave au pluralisme et à l’activité économique, c'est à « un groupuscule anonyme de décider si tel ou tel média a le droit, ou non de se financer » (Syndicat des éditeurs de la presse magazine). L'entrave à l’activité économique à raison d’une discrimination résultant de l’expression d’opinions politiques, y compris par toute tentative de boycott, est punie le Code pénal. Monsieur le Président de la république, les marques peuvent-elles encore avoir le choix d’investir où elles le souhaitent, y compris dans des magazines de polémique ou de débats?

Source : Challenges

Photo : attention : chien de garde ; capture d'écran du générique de Face à l'info.

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