Manipulations


Voilà qui ne plaît pas du tout. L'armée française a installé un centre de recrutement à Saint-Denis. En un mot, c'est un Cirfa, Centre d'information et de recrutement des forces armées. Malaise ! A l'intérieur, sur une des portes du bureau, scandale ! une affiche « Troupes coloniales » des années 1930 avec son slogan « Engagez-vous dans les Troupes coloniales » sous un dessin aux couleurs radieuses, le tout fleurant... fleurant quoi? la nostalgie? Le Parisien écrit : « Une affiche vantant les mérites de ce corps de l'armée qui se déplaçait dans les anciennes colonies se trouve en bonne place au sein du nouveau centre de recrutement installé depuis un mois ». Est-ce écrire ou dénoncer, ou pour le moins orienter le lecteur vers la pensée que la colonisation et ses « mérites », « en bonne place », serait...? Le journal ajoute à cela une photo de madame le ministre des armées, pardon de la défense, devant la porte où l'affiche insulte le présent sans que le ministre ait même l'air de voir cette horrible affiche, car qu'elle est horrible, le titre du papier du journal le dit : en grand et gras, très grand : Saint-Denis : l'armée espère recruter grâce aux « Troupes coloniales »
Saint-Denis, ville des rois de France, ville « rouge », ville désindustrialisée, ville chômage, ville d'un communautarisme religieux (« Saint-Denis : ma ville à l'heure islamiste », Fewzi Benhabib, dans Marianne, 16 novembre 2015 ; « Saint-Denis. L'islamisation est en marche », Nadjet Cherigui, dans Le Figaro Magazine du 20 mai 2016), ville du développement du port du voile intégral (reconnu par le maire de la ville lui-même (Didier Paillard) en mai 2016, ville du trafic de drogue, ville aux cent-douze milles habitants et cinq mosquées, ville où la proportion des immigrés de moins de dix-huit ans, immigrés d'origine extra-européenne ou vivant avec au moins un parent immigré d'origine extra-européenne, est passée de 15 % à 67 % en seulement vingt ans (entre 1975 et 2015). Alors cette affiche des troupes coloniales, oui c'est un scandale, une offense à ces jeunes... les mérites de l'armée française dans les anciennes colonies... quand Macron, faut-il le rappeler, en terre algérienne a dit, déclaré, juré que « la colonisation fait partie de l'histoire française », qu'elle est « un crime [...] un crime contre l'humanité, c'est une vraie barbarie » (février 2017 à Alger). Et son ministre des armées ne réagit pas, ne voit pas cette affiche? Franchement, ce centre de recrutement de l'armée vantant le mérite des Troupes coloniales, vous croyez qu'il va séduire les 67% d'immigrés de moins de dix-huit ans.
Mort de rire !
Chaque jour doit avoir sa polémique, son hashtag en tendance sur Twitter, ces prises de bec sur les plateaux de chaînes info... Quoi? Saint-Denis, ville d'immigration algérienne, marocaine, tunisienne... avec ses keums, des rebeus, ses beurs... la colonisation? Qu'est-ce tu m' racontes là cousin? Tu te crois où?
Si on relit bien l'article, on y repère des mots ou groupes de mots enfilés comme autant de perles : « Malaise », « une grande affiche de propagande, « placardée », « en plein cœur du nouveau Centre », « à la gloire de ces unités militaires françaises », « coloniales », qui « s'adresse aux [...] aux jeunes de Seine-Saint-Denis », « engagez-vous dans les troupes coloniales », « exotisme », « au cours de votre contrat vous ferez obligatoirement un séjour dans les colonies lointaines, en principe après votre 6e mois de service », « des palmiers, un chameau, un militaire originaire de l'hexagone, casque de colon visé sur la tête écoutant attentivement un indigène tirailleur ».
Et de tenter, cerise sur le gâteau, de culpabiliser le « responsable de recrutement en Ile-de-France et en Outre-Mer », le colonel Cyril Leprêtre, en le citant : « Pour les recruteurs, il s'agit d'une affiche historique qui sert tout simplement à décorer », et de nous préciser que ce colonel « responsable », « défend, droit dans ses bottes », « cette déco d'un autre temps », et qu'il est heureux, satisfait, car « la France est une vieille nation qui s'ancre dans cette histoire. C'est une fierté d'avoir eu des troupes coloniales. Aujourd'hui, c'est l'infanterie de Marine qui sert hors métropole, il n'y a rien de péjoratif ici. »
C'est une fierté d'avoir eu des troupes coloniales? Houla ! il glisse vers quoi le colonel? Il va nous faire l'apologie de la colonisation de l'Algérie? Nous dire les bienfaits apportés : routes, hôpitaux, services publics, chemins de fer, ponts, écoles, collèges, lycées, aménagements sanitaires... Houla houla ! Il va peut-être nous dire aussi que les Berbères d'origine ont été colonisés par les Phéniciens, les Romains, les Vandales ; que les Arabes ont envahi ce territoire sans nom et peuplé de tribus éparses et variées à partir de 702, les colonisant à leur tour et les islamisant ; que les Espagnols tentèrent leur chance à partir de 1505 ; puis que ce territoire passa sous la domination des Turcs en 1520 qui, ne pensant qu'à mener ce que les historiens appellent la Guerre de course en Méditerranée (1515-1830), laissèrent les populations à l'anarchie ; que lorsque la France arriva en 1830, ce n'était toujours qu'un territoire sans nom, une seule ville : Al Djezaïr, et toujours ces tribus éparses discriminées par les Turcs... Stop ! stop ! enlevez les stylos, coupez les micros... Que ce territoire sans nom n'était toujours pas un pays à l'arrivée des Français, qui le nommèrent « possessions françaises du Nord de l'Afrique » afin d'en créer l'unité ; que le nom Algérie a été forgé quelques années plus tard par le maréchal Soult, Jean-de-Dieu Soult (cela ne s'invente pas), qu'il dériva en 1837 du nom de la seule ville, Al Djezaïr, prononcée Alger par les Français.
 
En fin de papier, après nous avoir informé (là pour le coup c'est une information) que le colonel Cyril Leprête espère arriver à « 160 recrues » au total d'ici à la fin du mois de décembre, mais qu'il rencontre des « difficultés de recrutement en Seine-Saint-Denis, alors que 43 % de la population du département a entre 15 et 29 ans, ce qui en fait le département le plus jeune d'Ile-de-France », le journal donne deux lignes en fin d'article à un capitaine expliquant les raisons de ces difficultés de recrutement en Seine-Saint-Denis : « de nombreux candidats, et bien plus qu'ailleurs, ont des casiers judiciaires. Il ne faut pas avoir de condamnation trop lourde pour postuler. On étudie les dossiers au cas par cas. Les condamnations pour violences, trafic de drogue ou pour des crimes plus graves sont évidement rédhibitoire ». Mais le journal évitera soigneusement de terminer sur cette information et conclura sur ce qu'il veut me faire retenir : « conscients du vivier que représente le territoire, l'armée multiplie les actions de communication [...] en un an, 75 actions d'informations ont d'ailleurs été réalisées dans les lycées. Sans affiche vintage cette fois ». L'affiche, l'affiche, l'affiche. Pas les problèmes de recrutement rencontrés « bien plus qu'ailleurs » dans cette jeune population de Seine-Saint-Denis.

Photo : l'affiche des Troupes coloniales vue dans le bureau du Cirfa à Saint-Denis.

Source : Le Parisien ; Wikipédia 

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