Légionnaires du Christ
Trente-trois prêtes ou diacres auraient sexuellement abusés cent-soixante-quinze garçons mineurs entre 1941 et 2019 au sein de la congrégation des Légionnaires du Christ. C'est ce que dit un rapport interne à cette institution.
Fondée en 1941 par le Mexicain Marcial Maciel Degollado, cette congrégation catholique de droit pontifical est en fait sujette à de telles allégations depuis de nombreuses années. La nouveauté c'est d'apprendre que cela aurait commencé dès la création de l'institution, il y soixante-dix-huit ans. De là à penser que le père Marcial Maciel Degollado l'a fondée dans ce but... Lui-même aurait abusé de soixante garçons mineurs.
Né en 1920, entré au séminaire à quinze ans, il aurait donc commencé à vingt an dès la fondation de sa Légion du Christ avant même d'être ordonné prêtre. Il décèdera en 2008. A lui seul, soixante garçons mineurs en soixante-sept ans. Les premières allégations sur ses abus sexuels datent de 1997. La hiérarchie catholique affirme alors que ce sont des calomnies. Pourtant, en 2004 d'autres allégations font que le Vatican ouvre une enquête. En mai 2006, un rapport interne et non publié conclut à des « comportements très graves et objectivement immoraux ». Le reconnaissant coupable, ce rapport décrit Maciel Degollado comme menant une double vie, ayant plusieurs « petits séminaristes » avec qui il entretient des relations sexuelles. Le pape Benoît XVI ordonne alors au fondateur des Légionnaires du Christ de cesser tout ministère public et de se retirer dans la prière et la pénitence. Et on en reste là. Les seize dirigeants de la Légion du Christ, bien qu'au courant, continueront à assimiler les abus sexuels et garder le silence, les acceptant donc.
Mais de nouvelles accusations vont être portées, désignant d'autres prêtres et des diacres... Après le Mexique en 1941, le zèle enthousiaste de ces missionnaires du Christ les a mené à aller former d'autres séminaristes, d'abord Espagne puis au Chili, au Brésil, en Italie, en Irlande, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud et en Europe centrale (vingt-quatre pays au total dans le monde). Dans ces autres séminaires, des Légionnaires suivraient l'exemple du fondateur mexicain... y créant ainsi des « chaînes d'abus », un petit séminariste abusé par un Légionnaire devenant plus tard un Légionnaire abuseur... « Des agressions sexuelles massives » ont été commises pendant des décennies par des Légionnaires sur les petits séminaristes, des Légionnaires souvent couverts par leur hiérarchie », lit-on dans la presse en mars 2010.
2013, année de la renonciation de Benoît XVI (en février) et de l'élection de François. Rien n'a bougé depuis trois ans, bien que les dénonciations et le rapport de 2006 ont déclenché un processus officiel de « réparation et réconciliation » avec quarante-cinq personnes accusatrices. L'habitude de la maison sur les petits séminaristes n'est aucunement rompue, on pourrait penser que c'est dans l'adn de la Légion du Christ. Les révélations se poursuivent pourtant mais la dissolution de l'ordre des Légionnaires du Christ n'est pas ordonnée par le nouveau pape.
1941, 1997, 2006, 2013... Y avait-il quelque chose de nouveau dans les dortoirs, les cellules? Longtemps, la conduite privée des prêtres et des laïcs... les rumeurs de désordre moral... de pratiques dignes des mœurs antiques... mélange d'éducation grecque, de chasteté apostolique (les Légionnaires du Christ font vœux de pauvreté, d'obéissance, de chasteté, de charité et d'humilité), d'apprentissage de la soumission et de tendreté des novices, comme le mousse pour le capitaine et les matelots en mer des mois durant, vieilles valeurs immémoriales, jamais dites mais réelles, rituels éternels, accueils affectifs ou simples dégueulasseries buccales et anales... ces rumeurs de dérèglements de la morale privée, depuis bien avant 1941, bien longtemps avant, toutes ces... peccadilles ne furent pas de nature à effaroucher les censeurs des siècles passés. Ce que je veux simplement dire, c'est que depuis des siècles même les papes ont eu des sexualités diverses et variées, des maîtresses, des enfants, des bâtards, et des séminaristes mineurs aux culs délicieux... et les simples curés des enfants de chœurs aux doux baisers et aux fesses caressées. La chasteté, mon cul ! Un pape, un moine, un curé, un diacre qui bande est une homme qui bande. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a rien de nouveau, sauf qu'on en parle, sauf que devenu homme adulte, dans une société qui se réveille des décennies après, le petit séminariste qui fut la coqueluche de deux diacres et trois prêtres pendant deux ou trois ans ne fut pas à l'époque consentant, qu'il fut forcé jusqu'à ce que barbe lui pousse. 1941 : quoi de plus normal à l'époque? et d'en faire l'adn de la congrégation? Ainsi au moins jusqu'aux années quatre-vingt-dix. Le 30 novembre 2004, l'enquête sur les allégations étant ouverte, le pape Jean-Paul II bénissait le père Marcial Maciel Degollado, fondateur des Légionnaires du Christ, dont l'adn était peut-être... Ne savait-il pas? Il savait, pour ces... peccadilles, il savait. Longtemps, les Légionnaires du Christ ont été appréciés du Saint-Siège et du pape Jean-Paul II. Les protégés de Jean-Paul II? Dans cette congrégation catholique romaine, il y a aussi le cas d'un prêtre qui a eu une maîtresse dont il a eu un fils puis une fille (le père Oscar Turrion) : sa petite famille secrète ne l'a pas empêché pendant des années de diriger le collège pontifical Maria Mater Ecclesiae, un séminaire fondé à Rome en 1991 pour les adolescents candidats à la Légion du Christ... L'homme, qu'il soit pape, moine, diacre, prêtre, séminariste, est un homme, et pendant des siècles il n'a pas eu honte de sa faiblesses devant la chair. La chaire et la chair, et personne n'en savait rien. Des peccadilles. On comprend alors que cela doit leur faire drôle d'être maintenant dénoncés par ceux qui n'avaient que onze ans quand ils les ont embrassés, dénudés, caressés et bien plus : ces petits au secret du goût et de la tendreté de leur chair leur avaient promis de ne jamais, jamais rien dire de ces règles strictes, règles qu'ils ont reproduites eux-mêmes plus tard, pensant que la même promesse sacrée serait toujours tenue.
Une congrégation catholique ultra-conservatrice, selon des témoignages d'anciens séminaristes accusateurs repris par les journaux. Une secte ! avec des règles interdisant toute critique du fondateur Marcial Maciel Degollado ou la remise en question de ses motivations. Un ordre ultra-conservateur accusé, après soixante-dix-huit ans, d'éloigner délibérément les petits séminaristes de leurs familles, les visites des parents, frères et sœurs n'étant autorisées qu'une fois par an et les appels téléphoniques étant limités à trois par année. « Toutes les lettres envoyées aux séminaristes étaient ouvertes et lues par les supérieurs », affirmait en 2018 sur Vice la sœur d'un ancien séminariste. La congrégation organisait aussi des camps d'été pour recruter des jeunes garçons à l'extérieur : « il y avait une heure de catéchisme chaque jour, mais à part ça, c'était vraiment amusant », racontait aussi dans Vice un participant à l'un de ces camps d'été. « On a fait beaucoup de randonnées, beaucoup d'activités sympas. L'activité physique est ce qui distingue les légionnaires des autres ordres – ils se vantent d'être sains. On a passé un bel été. »
Pendant des décennies, de par le monde, les Légionnaires du Christ ont bénéficié du soutien des papes successifs : ainsi ils ont mené leurs vies sans la moindre censure officielle, même après les premières rumeurs puis les accusations. Les camps d'été ont fonctionné, le recrutement s'est fait et les petits séminaristes ont accepté d'être coupés de tout pendant plusieurs années, livrées, en quelque sorte, corps et âmes à l'autorité des prêtres et des diacres. La première anicroche, on l'a vu, est venue en mai 2006 avec ce rapport interne qui a conclu que Maciel Degollado avait des « comportements très graves et objectivement immoraux » avec les petits séminaristes. C'était un an après la mort de Jean-Paul II, survenue en avril 2005. Son successeur, Benoît XVI, n'a pas fait publier ce rapport accablant et s'est contenté d'ordonner à Marcial Maciel Degollado, qui a alors soixante-cinq ans, de se retirer dans une vie de « prière et de pénitence ». Mais, en 2008, d'autres révélations sur Maciel Degollado ont poussé Benoît XVI à demander une nouvelle enquête : il aurait eu plusieurs enfants avec au moins deux femmes. Ce prêtre fondateur est mort avant l'aboutissement de cette enquête, qui a conclu à la véracité des faits. Comme il est décédé, cela n'est pas allé loin. Et nous arrivons à juin 2019, onze ans plus tard, quand le supérieur général des Légionnaires, le père Eduardo Robles-Gil, lui aussi Mexicain, confie à une commission un travail de recensement des « abus sexuels » dans les séminaires de la Légion du Christ et que le fruit de ce travail, un rapport, soit rendu public hier 21 décembre au Mexique. Cent-soixante-quinze garçons entre 1941 et 2019... par trente-trois prêtres ou diacres. Un « lourd bilan » écrit La Croix. Quatorze des trente-trois agresseurs auraient été eux-mêmes des agressés des Légionnaires quand ils étaient jeunes garçons, « entre entre onze et seize ans », dit le rapport. La réplique, la chaîne. Ils auraient donc reproduit cette « formation » interne à la Légion du Christ une fois prêtres ou diacres à leur tour. Un art de vivre? Une communauté de pédosexuels? Cent-soixante-quinze petits séminaristes pour trente-trois prêtres ou diacres pendant soixante-dix-huit ans de silence bouche cousue, soit un enfant tous les quinze ans par Légionnaire. Un « silence qui s'expliquerait, selon le rapport », écrit Christophe Henning dans La Croix, « par les règles strictes de fonctionnement de la congrégation mais aussi par la position d'autorité des agresseurs : "L'abus était lié à l'abus de pouvoir et de conscience de la part de certains qui ont profité de leurs postes"».
La publication de ce rapport Eduardo Robles-Gil tombe à pic : il y a cinq jours le pape François, qui a fait de la lutte contre les agressions sexuelles dans l'Eglise une des priorités de son pontificat, a levé le secret pontifical sur ce « fléau ». Dix-huit des trente-trois Légionnaires ayant sexuellement profité de séminaristes âgés de onze à seize ans font encore partie de la congrégation, mais « ils ont été écartés des tâches en lien avec le public ou des mineurs », précise le rapport. Une sorte de retour à Benoît XVI ordonnant à Marcial Maciel Degollado de se retirer dans une vie de « prière et de pénitence »?
Source : Challenges ; La Croix ; Reuters ; Vice
Photo : ordinations de Légionnaires du Christ à Rome le 30 juin 2010, Riccardo De Lucaz/AP ; le pape Jean-Paul II bénit le père Marcial Maciel Degollado, fondateur des Légionnaires du Christ, lors d'une audience spéciale dans la salle Paul VI au Vatican le 30 novembre 2004, Tony Gentile/Rueters ; des Légionnaires du Christ pendant la prière, Petrusski Films.
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