Croyances de luxe


L'info en continu tue la mémoire, l'évènement de quatorze heures chassant celui de midi tue toute mise en perspective, toute l'analyse. Pas le temps, pas le temps. Si l'on ajoute à cela la pensée cachotière, que j'appellerai la pensée du berceau (et nous même on aime se bercer d'illusions), nous voilà bien endormis, nous voilà devenus des bons toutous bien pensant. Un seul exemple suffira : ha ! ces malheureux migrants (sic) qu'on rejette à la mer...
Je devrais copier l'article que je viens de lire dans Challenges : il est atterrant autant que culpabilisateur. Dans mon jargon à moi j'appelle cette méthode de la putasserie. En fait, on ose tout pour nous faire admettre l'inadmissible. Culpabiliser les Grecs de ne pas offrir d'écoles aux clandestins mineurs étrangers ! Culpabiliser les Grecs... Et les oublier. Déjà en 2015, Libération écrivait : « Migrants (sic) : la Grèce laissée pour compte » en parlant de l'Union-européenne qui ne faisait rien pour aider la Grèce à surmonter le flot des émigrés qui arrivaient en masse chez elle. Et bien non, ce sont les Grecs qui sont laissés pour compte. Autant vous copier le papier de Challenges : vous verrez par vous même, après tout, peut-être que j'ai tort de sentir là la manœuvre, la ficelle, le « forcing », le bourrage de crâne. Et ce n'est qu'un article, j'ose imaginer ce que cela donne avec des images bien choisies dans les journaux télévisées, les reportages à peine manipulateur des chaînes infos (visages malheureux, bébé dans les bras, enfant de quatre ans brandi au-dessus d'un canot pneumatique, mur humain de vilains policiers). Ha ! je suis vraiment un gros salaud si je ne suis pas du côté de ces malheureux, si je pense qu'on ne peut plus, ne peut plus les accueillir tous et sans fin ; ha ! quel gros salaud je suis. Aidez ces enfants, soyer humains ! L'idéologie pense pour vous. Les putasseries des putassiers.
 

« Migrations: 12.000 mineurs sur les îles grecques, seuls 1% scolarisés

Par AFP le 16.12.2019 à 18h13

Seuls 1% des 12.000 enfants demandeurs d'asile vivant dans les camps insalubres sur les îles grecques "vont à l'école", la grande majorité sont privés d'éducation, selon une estimation de l'agence onusienne du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) 

"Les enfants sont désespérés, l'accès à l'éducation est un problème important surtout dans les camps surpeuplés d'enregistrement et d'identification" (hotspots) situés sur les cinq îles de la mer Egée (Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos), a déploré auprès de l'AFP Boris Cheshirkov, porte-parole du HCR-Grèce.

Environ 35.500 migrants et réfugiés (sic)  vivent dans des conditions sordides sur ces îles, dont environ 12.000 sont mineurs, a-t-il précisé.

Le manque de scolarisation provient surtout de la coordination défaillante entre les autorités locales et l'Etat pour le transport des enfants à l'école, ou du retard pris dans l'envoi de professeurs et instituteurs pour faire classe l'après-midi aux migrants mineurs dans les écoles publiques.

"Les enfants ont besoin de normalité, de se retrouver dans une classe avec d'autres enfants", a souligné le porte-parole du HCR.

Pour répondre à ce problème, le HCR et des ONG organisent des cours de langue ou d'autres activités pour les enfants sans toutefois pouvoir remplacer la scolarisation officielle.

"Les trois enfants d'une famille syrienne arrivée à Lesbos il y a quatre mois n'ont jamais connu l'école. Dans leur pays d'origine, ils étaient trop jeunes pour être scolarisés et, une fois en Grèce, alors qu'ils ont atteint l'âge adéquat, il n'y pas d'école pour eux", raconte le porte-parole du HCR.

Après la grande crise migratoire de 2015, la Grèce est redevenue en 2019 la principale porte d'entrée en Europe des demandeurs d'asile dont la majorité sont arrivés sur les îles grecques par la Turquie voisine à bord d'embarcations de fortune.

Alors que les "hotspots" étaient initialement créés pour un séjour limité, les demandeurs d'asile y restent plusieurs mois en raison du flux constant et du manque de places.

De nombreuses ONG ont dénoncé les conditions insalubres des camps.

Parmi elles, Médecins sans frontières (MSF) a alerté sur la situation particulière des enfants, dans une lettre ouverte. L'organisation a appelé fin novembre les pays membres de l'Union européenne "à agir de manière imminente" pour "mettre fin à ce cycle de souffrances", notamment à la détérioration de l'état physique et mental surtout des mineurs.

"Ces personnes ont survécu à la guerre et à la persécution, mais des mois passés dans des endroits insalubres comme le camp de Moria à Lesbos ont poussé beaucoup de nos enfants malades au bord du gouffre, à se faire du mal et à penser au suicide", ajoute MSF dans cette lettre.

Challenges

Ce n'est pas nouveau, c'est une habitude, c'est de l'AFP. Et vous pouvez aller de journal en journal, les mêmes éléments seront repris par les journalistes, à croire qu'être journalistes au Figaro, au Monde, à Challenges, c'est recopier mot à mot les dépêches de la bien-pensante AFP. Les mêmes mots, les mêmes phrases signés APF. Feindre, ignorer : ne pas faire son métier de journaliste, sciemment.
Si je suis leurs articles, dupliqués du modèle parfait de l'émotion mainstream que je suis prié de ressentir, je dois dire oui à toute la misère du monde, donner les écoles, des fringues, nourrir, loger tous ces malheureux enfants et leurs parents. Combien de milliers? Combien de millions? Et je dois taire, oublier, ignorer, ne pas mettre en parallèle, les Grecs, les habitants de ces endroits submergés. 
Ces Grecs pourtant, qu'ont-ils vécu depuis dix ans? Depuis 2009, les enfants grecs ne manquent-ils de rien? Ils manquent de tout. Demandez à madame Merkel et la Commission européenne, elles en savent quelque chose. Madame Merkel ! 
Je suis prié de ne retenir que les mots : camps insalubres ; la grande majorité des enfants sont privés d'éducation ; manque de scolarisation ; pas assez de professeurs et instituteurs, surtout dans les camps surpeuplés ; trente-cinq mille migrants et réfugiés (sic) vivent dans des conditions sordides ; trois enfants d'une famille syrienne arrivée à Lesbos il y a quatre mois n'ont jamais connu l'école, ils étaient trop jeunes pour être scolarisés et, une fois en Grèce, alors qu'ils ont atteint l'âge adéquat, il n'y pas d'école pour eux ; détérioration de l'état physique et mental des mineurs ; cycle de souffrances ; douze mille enfants ; ils ont survécu à la guerre et à la persécution, mais des mois passés dans des endroits insalubres comme le camp de Moria à Lesbos ont poussé beaucoup de nos enfants malades au bord du gouffre, à se faire du mal et à penser au suicide... Ha ! que ces Grecs sont des salauds de ne pas offrir d'écoles à ses enfants. Et quelle abominable ordure suis-je de penser au peuple grec !
 

 
Qu'est-ce d'autre, en fait, qu'une prise d'otages? Toutes ces associations humanitaires, tous ces journalistes, ces je-vous-somme-de-penser-comme-cela, ne font qu'une chose : m'avoir à l'émotion, vous avoir à l'émotion ; après les passeurs, ils font leur beurre en prenant les émigrés en otages, et particulièrement les enfants, les bébés, les femmes enceintes, pour nous détourner de toute mise en perspective. « Ils n'ont pas assez de ceci, ils n'ont pas assez de cela ». Voyez, regarder en face cette misère ! n'avez donc vous pas de cœur? Cet étranger, même illégal, doit avoir les moyens de vivre en dignité une fois chez nous.
Avons-nous eu les mêmes sommations de s'apitoyer quand il s'est agit de couper les retraites des Grecs (une retraite de 1 100 est passée à 350 euro)? Fin 2010 en Grèce, trois millions de Grecs sur une population de onze millions d'habitants étaient au bord de la pauvreté ou de l'exclusion sociale, soit 27,7% de la population... M'a-ton demandé de m'apitoyer sur la souffrance terrible de retraités devenus sans-abri, qui n'ont plus la moindre dignité? Y-a-t-il eu des articles émotionnels dans nos journaux, au 20 heures de TF1, de France 2? Est-on allé solliciter madame Merkel pour savoir si elle sortait son mouchoir en voyant des retraités grecs mendier dans les rues? 2012, cela durait encore : 21,1% de la population risquait encore de passer sous le sous de pauvreté. En 2015, madame Merkel préférait ouvrir les portes à un million d'étrangers syriens, parmi lesquelles, des terroristes islamistes magrébins.
L'étranger illégal vaut mieux qu'un retraité grec qu'on tue en silence pour sauver une monnaie, l'euro. On ne vous montre pas la photo de son cadavre pendu à un olivier pour m'émotionner (en vérité on ne m'en parle même pas), mais vous voyez en boucle la photo d'un enfant syrien rejeté par la méchante mer inhumaine pour vous faire comprendre où doit aller votre indignation, votre... culpabilité. Les putassiers, voyez-vous maintenant ce que je veux dire? Les enfants des clandestins avant les enfants grecs. Que ce soit aux Grecs saignés à blanc par des années de « crise » de payer pour les émigrés clandestins, on ne le dira pas. La raison, la justice, le peuple de ceux qui travaillent pour faire vivre leur pays n'a plus de sens... Le clandestin est égal au citoyen, il doit même, on le voit en Grèce, passer avant le citoyen. Quand a-t-on demandé l'avis - l'autorisation - des Grecs? On sait par cent mille articles ou reportages déjà faits ce que demandent - quand ce n'est pas exigent - ces étrangers : journalistes, associations, agences de presse nous en rebattent les oreilles, mais ce que veut le peuple grec... Il n'a pas son mot à dire.
De même, pourquoi irait-on vous faire un article sur la responsabilité des parents, de l'ignoble abandon des enfants, qui deviendront par dizaine de milliers des « mineurs isolés » en Europe? Non, vous êtes priés de ne pas faire de liaison entre ces abandons d'enfants et la responsabilité parentale : c'est vous qui les abandonnez une fois qu'ils sont chez vous ! Oui, le sujet c'est vous, c'est votre rééducation : ouvrez les bras ! construisez des écoles, des logements : êtes-vous dignes de ces camps insalubres? Regardez toute cette misère? Quelle monstruosité ! Vous n'avez la honte? Le sacrifice des Grecs n'est rien comparé à la détresse... ce retraité grec qui ne peut plus aller au café parce que sa retraité est passée de 1 100 à 350 euro après avoir travaillé quarante-et-un ans, qu'est-ce comparé au cadavre d'un enfant syrien rejeté par la mer? Croyez en nos croyances de bien-pensants, dans nos bureaux connectés à la vérité du monde, boulevard Haussmann, quai Point du Jour, esplanade Henri de France, avenue du Président Kennedy, nous voyons les choses, la vérité de l'égoïsme. Nous ne prenons personne en otage, nous ne faisons pas du chantage à l'émotion ; les pauvres Grecs, les pauvres Bulgares, Roumains, Lettons, Lituaniens, Hongrois, Polonais, Espagnols, tous sont riches comparés à la misère des mondes africain et moyen-oriental ; croyez-nous, la chute des revenus en Grèce depuis 2009, l'explosion du chômage, la hausse de la mortalité infantile, qu'est-ce comparé à ces milliers de migrants et réfugiés (sic) qui risquent chaque jour leur vie pour gagner l'Europe? N'ont-ils pas droit à une vie meilleure? Certes, depuis dix ans ces Grecs sont meurtris par la pauvreté, mais il n'y a aucune indécence à les laisser à leur sort : voyez ce « petit bout de mer entre la Turquie et l'île grecque [de Lesbos qui] s'est transformé en cimetière pour les candidats à l'Europe » (Le Monde décembre 2015). En cimetière, oui ! Ils fuient la guerre et les bombardements, vous comprenez, regardez les entassés à cinquante dans un bateau pneumatique, pendant quarante-cinq minutes de traversée... regardez leurs jambes mouillées, leurs sacs à dos mouillés... Avec 350 euro par mois pour vivre après avoir travaillé quarante-et-un an, quel cœur ont les Grecs à se plaindre et abandonner sans écoles des enfants réchappés de tous les périls? N'est-il pas légitime qu'ils en réclament? Nous le croyons oui : un cœur de pierre est inapproprié, et nous croyons, que cela plaise ou pas aux Grecs, qu'il est légitime qu'ils soient là ; et ils continueront à venir, par centaines, par milliers.
 
Je ne connais pas de salaud qui retournait à ces buralistes bien-pensants des beaux quartiers parisiens leur injonction : vos migrants (sic), que cela plaise ou pas, c'est comme cela : il n'y a pas d'écoles pour leurs enfants ; si cela ne convient pas, puisqu'avec l'aide des humanitaires vous savez les instrumentaliser, dites leur de rentrer chez eux défendre leur pays, dites leur d'être de bons citoyens. Sachez que nous n'avons que faire de vos croyances de luxe.
 

Source : Challenges ; Libération ; La Presse ; Secours Populaire ; Paris Match ; Le Monde ; Lifo

Photo : Kostas Karamanolis, pécheur dans le petit port de Panagiouda sur l'île de Lesbos en février 2019 ; « ce petit bout de mer entre la Turquie et » les îles de Lesbos, Chios et Samos ; Kostas Karamanolis distribue des petits poissons frais à des émigrés, « mais aussi aux Grecs qui en ont besoin » (Αλλά και στους Έλληνες που το έχουν ανάγκη), en février 2019.

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