Un concept fumeux


Dimanche prochain, nous sommes invités à une « grande marche populaire contre l'islamophobie ». C'est ce qu'annonce un appel relayé par l'excellentissime Médiapart d'Ewdy Plenel. Lancé par Madjid Messaoudene (élu de La France Insoumise au conseil municipal de Saint-Denis), le Collectif contre l'islamophobie (CCIF), le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), le Comité Adama, la Plateforme L.e.s Musulmans, l'Union communiste libertaire (UCL), l'Union Nationale des Etudiants de France (Unef) et Taha Bouhafs (journaliste franco-algérien et militant au sein du Comité Adama), cet appel a été signé par « plusieurs centaines personnalités de diverses sensibilités ». Médiapart égraine le chapelet de leurs noms sous le texte de l'appel. Un texte qui définit l'islamophobie, nous prouve qu'elle existe et nous énumère les nombreuses raisons de nous rendre dimanche à cette « grande marche ».
Des « personnalités de diverses sensibilités », qui sont-elles? Mais avant cela, voyons qui sont certains initiateurs. 
Madjid Messaoudene. 
Juste après les assassinats « au nom du djihad » de sept personnes, dont trois enfants juifs, par Mohammed Merah les 11, 15 et 19 mars 2012 à Toulouse et Montauban, Madjid Messaoudene écrivait sur Twitter : « Le présumé tueur n'est pas resté casher très longtemps » (tweet du 21 mars 2012 à 8h56), suivi d'un : « Tu fais quoi ce soir? Suis en mode hommage. J’arrête tout, on va me dire que je ne suis pas touché, pas ému. Du coup, je vais m'entraîner à pleurer. » Le 28 mars suivant, il écrira aussi : « Oui le père de Mohammed à (sic) perdu un enfant il a le droit lui aussi de pleurer son fils n'en déplaise au président apparemment fasciste ». Le 19 mars 2012, le terroriste musulman avait commencé sa journée meurtrière devant le lycée Ozar HaTorah en abattant Jonathan Sandler, 30 ans, ses deux enfants, Gabriel, 4 ans, et Arieh, 5 ans, puis Myriam Monsonégo dans la cours du lycée, 7 ans, qu'il avait saisie par les cheveux et tuée d'une balle dans la tête. Ce n'était pas là son coup d'essai. Le 11 mars à Toulouse, ce « combattant d'Al-Qaïda » (il se définissait ainsi) avait abattu d'une balle dans la tête un maréchal des logis chef, Imad Ibn-Ziaten, trente ans. Le 15 mars à Montauban, il faisait feu sur trois « bérets rouges » (des parachutistes) en treillis devant un distributeur d'argent en criant « Allah Akbar » ; il s'agissait du caporal Abel Chennouf, 25 ans (abattu), du 1ère classe Mohamed Legouad, 23 ans (abattu), et du 1ère classe Loïc Liber, 27 ans (grièvement blessé).
Dans la France d'aujourd'hui : Mohammed Merah, Charlie Hebdo, le Bataclan, les terrasses et le satde de France du 13 novembre 2015, le père Jacques Hamel égorgé dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016... Je dois faire une liste exhaustive? Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans au volant d'un camion lancé sous une foule à Nice pour un 14 juillet. 2016 et tuant quatre-vingt six personnes...
A chaque fois, on le voit bien, c'est incontestable, les terroristes sont de grands Vikings roux ou blonds. Et je pense aux journalistes et dessinateurs qui reçoivent de leur part quasi quotidiennement des menaces de mort... par égorgement ou fusillade. Je pense aussi à cette femme juive de soixante-cinq ans, assassinée le 4 avril 2017 vers 4 heures du matin, chez elle rue de Vaucouleurs dans le 11e arrondissement de Paris, madame Sarah Halimi, par un voisin, Kobili Traoré, un jeune homme de vingt-ans, lui aussi grand Viking blond, qui la frappe à coups de poings, la traîne jusqu'à son balcon en gueulant « Sheitan », un mot arabe qui veut dire démon, puis « Allah akbar », « Allah akbar », « Allah akbar », « Allah akbar », avant de se mettre à réciter des sourates du Coran et finalement balancer cette femme par dessus la rambarde du balcon pour qu'elle aille se fracasser trois étages plus bas.
L'Unef.
Union nationale des étudiants de France, un syndicat très proche du parti socialiste et présent dans toutes les universités de France. Par ses positions, et par sa présidente, Mélanie Luce, qui, d'origne guadeloupéenne par sa mère, proche de La France insoumise et du Génération.s Benoît Hamon, se proclamait, le 4 juin dernier, première présidente « racisée » de l'Unef, et aimerait qu'à l'image de son syndicat la société considère « la couleur de peau comme une race sociale ». Le 12 mai 2018, dans un reportage sur M6, Maryam Pougetoux, la présidente de l'Unef à Paris-IV, apparaît portant portant un hijab (voile qui couvre le crâne et entoure le visage. Aussitôt l'Unef publie un communiqué pour soutenir la jeune femme, qui désormais n'apparaitra plus que voilée.
Le Collectif contre l'islamophobie (CCIF). Proche des Frères musulmans (islamistes sunites), il soutient les jeunes filles voilées. Le CCIF a sa propre définition de l'islamophobie : « ensemble des actes de rejet, de discrimination ou de violence perpétrés contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à la religion musulmane ».
Taha Bouhafs.
Algérien arrivé en France à l'âge de quatre ans (en 2001), il est aujourd'hui franco-algérien. Il milite au Comité Adama. On le dit « activiste » et le soupçonne d'être « antisémite ». A dix-neuf ans, en 2017, lors de la campagne présidentielle, il s'engage pour La France Insoumise et Jean-Luc Mélanchon. Il y rencontre Danièle Obono et Eric Coquerel. Deux mois plus tard, il se présente aux élections législatives sous les couleurs de La France Insoumise (il ne sera pas au second tour). Selon Hadrien Mathoux, journaliste de Marianne, Taha Bouhafs aurait tenu des propos agressifs envers les « Blancs » (août 2019).  
La Plateforme L.e.s Musulmans.
Merci pour l'écriture inclusive.
Le comité Adama.
C'est un mouvement créé après la mort d'Adama Traoré, un jeune homme de 24 ans, dans la cour de la gendarmerie de Persan (Val-d'Oise) le 24 juillet 2016. Deux heures avant son décès, les gendarmes avaient interpellé l'un de ses frères, Bagui (recherché dans une affaire d'extorsion), qu'ils avaient repéré dans les rues de Beaumont-sur-Oise. Adama, qui l'accompagne, s'enfuit au moment du contrôle d'identité et ne sera rattrapé qu'au terme d'une longue course-poursuite. Selon la dernière autopsie ordonnée par les juges, le jeune homme a succombé aux conséquences de l'effort physique qu'il a fourni en tentant d'échapper aux gendarmes couplé à la pathologie dont il était porteur (liée au sang et au système pulmonaire). Selon la famille du jeune homme, confortée par une contre-autopsie commandée à ses frais, c'est la méthode d'interpellation pratiquée par deux des trois gendarmes qui l'a tué. Les frères et sœurs Traoré sont d'origine africaine par le père, Mara-Siré Traoré. Emigré arrivé en France pour travailler dans le bâtiment, ce Malien musulman né en 1953 a eu quatre épouses en France, deux Françaises blanches successivement, puis deux Maliennes. De ces mariages sont nés dix-sept enfants franco-maliens. Cette fratrie, notamment la sœur Assa, accusent les trois gendarmes de bavure et de meurtre racistes anti-Noir (deux des gendarmes sont également noirs, d'origine antillaise). Sur ces dix-sept frères et sœurs, sept ont eu affaire à la police et la justice.
- Adama, par exemple : connu de la police et de la justice depuis 2007 à travers dix-sept procédures ; en 2016, il a été condamné à la prison pour des faits de délinquance (prison d'Osny) ; mai 2016, tandis qu'il purgeait sa peine, a été déposé contre lui au commissariat de Cergy-Pontoise une plainte pour viol par un jeune homme de vingt-trois, son co-détenu en cellule à la prison d’Osny (Adama Traoré aurait contraint le jeune-homme à lui faire des fellations.
- Bagui Traoré : 2003 et 2005, il a fait l'objet de plusieurs procédures judiciaires pour « extorsion en 2003 ; il avait déjà douze condamnations à son actif, en 2013, détention non autorisée de stupéfiants […], vol à l'aide d'une effraction, port prohibé d'une arme de 6e catégorie […] » ; décembre 2016, il a été condamné à huit mois de prison ferme pour outrages et violences à l'égard de policiers municipaux et gendarmes lors d'un rassemblement organisé en marge d'un conseil municipal à Beaumont-sur-Oise ; décembre 2017, il a été condamné à six mois de prison ferme pour des échauffourées survenues en marge d'un conseil municipal en décembre 2016.avril 2018, reconnu coupable d'une série d'extorsions et d'escroqueries sur des personnes vulnérables entre 2015 et 2016, il est condamné à trente mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Pontoise.
- Yacouba Traoré : mars 2016, condamnation pour violences ; mars 2017, il a été condamné par le tribunal de Pontoise à dix-huit mois de prison ferme et interdiction de séjour dans le Val-d'Oise pour avoir tendu un guet-apens à un ancien codétenu de son frère Adama (accusé de violences en réunion commises avec l'usage d'une arme, une planche en bois, et en état de récidive légale, il a violemment agressé l'ex-codétenu de son frère Adama, le 25 février 2017 ; mars 2018, il doit comparaître à Pontoise pour « violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique » (il lui est reproché d'avoir agressé dans la soirée du 19 juillet 2016 des gendarmes de la brigade de Persan, commune voisine de Beaumont ; avril 2019, il est condamné à trois ans de prison ferme pour l'incendie du bus (le parquet fait appel, ayant requis six ans de prison, mais la peine de trois ans est confirmée en appel le 2 avril 2019).
- Assa Traoré : entendue par la police, après une plainte des gendarmes pour« diffamation publique » pour avoir publié sur Facebook, le 19 décembre 2018 et le 19 janvier 2019, les noms et prénoms des trois gendarmes ayant participé à l'interpellation d'Adama Traoré.
- Serene Traoré : il a été condamné à quatre mois fermes et six-cents euro d'amende pour outrages envers le maire de Beaumont-sur-Oise.
- Ysoufou Traoré, dit Youssouf : décembre 2017, il a été condamné à six mois de prison, dont trois avec sursis, pour des échauffourées survenues en marge d'un conseil municipal en décembre 2016.
- Samba Traoré : mai 2018, il a tété a été condamné par le tribunal correctionnel de Pontoise, à quatre ans de prison, dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, à la suite de violences avec arme à Beaumont-sur-Oise.
- Cheikné Traoré, dit Cheik : avril 2019, il a été condamné à 120 jours-amendes à dix euro, soit un total de 1200 euro pour avoir voulu faire entrer de la résine de cannabis dans la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy (Yvelines).
Fort de ces renseignements sur les uns, les unes et les autres, majoritairement, pour ne pas dire exclusivement de gauche et d'extrême-gauche, lisons la liste des signataires, ces « plusieurs centaines personnalités de diverses sensibilités », en partant bien entendu du postulat suivant : dans la France de 2019, les musulmans sont partout pourchassés et vivent traqués, persécutés tels les juifs dans la France de 1942. Ils sont députés, sénateurs, maires, conseillers municipaux, EELV, Générations.s, France insoumise, communistes, CCIF, journalistes, députés européen, cégétistes, professeurs. Ils signent. « Depuis des années, les actes qui les visent s'intensifient : qu'il s'agisse de discriminations, de projets ou de lois liberticides, d'agressions physiques de femmes portant le foulard, d'attaques contre des mosquées ou des imams, allant même jusqu'à la tentative de meurtre. [...] L'islamophobie en France est une réalité. Quel que soit le nom qu'on lui donne, il ne s'agit plus ici de débats d'idées ou de critique des religions mais d'une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi. Il faut aujourd'hui s'unir et se donner les moyens de la combattre, afin que plus jamais, les musulmanes et les musulmans ne puissent faire l'objet de tels traitements. » 
Des noms? Quelques uns. Nader Abou Anas (imam salafiste présenté comme conférencier), Manon Aubry (députée européenne FI), Julien Bayou (porte-parole EELV), Yassine Belattar (humoriste), Olivier Besancenot (NPA), Rokhaya Diallo (militante féministe et antiraciste), Rachid Eljay (ancien imam salafiste présenté comme conférencier), Thibaud Eychenne (Génération.s), Teo Faure (Génération.s, Léa Filoche (conseillère de Paris Génération-s), Groupe Parlementaire LFI : Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain, Ugo Bernalicis, Eric Coquerel, Alexis Corbiere, Caroline Fiat, Bastien Lachaud, Michel Larive, Danièle Obono, Mathilde Panot, Loic Prud'Homme, Adrien Quatennens, Jean-Hugues Ratenon, Muriel Ressiguier, Sabine Rubin, François Ruffin, Bénédicte Taurine), Benoît Hamon (Génération-s), Robert Hirsch, Yannick Jadot (député européen EELV, l'Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie, Edouard Louis (écrivain se revendiquant de gauche*), Mélanie Luce (Unef), Philippe Martinez (secrétaire général de la CGT), Chabouni Meryem (Révolte décoloniale, association de lutte antiraciste et décoloniale de Sciences po Toulouse), Edwy Plenel (journaliste), Philippe Poutou (NPA), Azzédine Taibi (maire de Stains), Isabelle Thomas (Génération-s), Assa Traoré, Dominique Vidal (historien)... 
La liste complète est sur Médiapart. Tous y seront : ce dimanche 10 novembre 2019 sera une « magnifique journée d'unité républicaine conclue par une magnifique Marseillaise » [car] La France est notre bien commun ».

* Edouard Louis a déclaré en 2015 : « En France, “intellectuel de droite” reste un oxymore, mieux : une impossibilité. Et on ne peut que s’en réjouir. » En 2017, Jérémy Collado, écrivain et journaliste, a écrit de lui dans Slate : Edouard Louis « insulte allègrement ceux qui critiquent son livre en les ramenant à l'extrême-droite ».
 
Modifié le 23 juillet 2020 pour certains détails complémentaires sur la fratrie Traoré.

Source : Médiapart ; Slate
 
Photo : hommage au parachutiste maréchal des logis chef Imad Ibn-Ziaten, le 12 mars 2013, un an après son assassinat.

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