Horrible portrait
Plus rien n'est certain, les repères les plus élémentaires de la vie sont contestés. Loi bioéthique, enfants sans père ! ou enfant ayant deux papas, ou deux mamans, au gré des fantaisies et des idéaux individuels - de la fantaisie et de l'idéal de chacun.
- Construis-toi avec ça, fiston.
- On ne m'a pas demandé mon avis !
- Tes parents sont Martine et Eloïse.
- Mais il a bien fallu qu'un homme... qui est mon père?
- Il ne compte pas puisque nous t'avons voulu toutes les deux, pas lui, nous t'aimons toutes les deux, n'est-ce pas suffisant? Bien sûr que c'est suffisant.
Le père est une pure construction sociale, seul l'amour vaut.
- Mais chez les Romains...
- Le rôle de l'homme, l'importance du mâle n'a plus de sens aujourd'hui, nous sommes passés dans la fluidité...
- La fluidité?
- Homme, femme, garçon, fille, père, mère, choisis ce que tu veux être, affranchis-toi du vieux monde patriarcal. Tout est possible, tout doit être permis
- Maman, je veux être un homme. Et comme deux plus deux deux égale quatre, bientôt j'aurai de la barbe et les filles trouveront ça intéressant.
- Rien ne t'oblige... ton rapport au monde ne doit être guidé que par toi-même... Tu es juste un donneur de gamètes...
- Mais vous désincarnez tout !
- Invente celui que tu es. Ne sois pas prisonnier des vieux codes.
- Des codes millénaires !
- Et alors?
- C'est vrai, mes chères mères, je n'ai jamais osé vous le dire mais depuis toujours j'ai envie de me couper la bite, parce que vous m'avez toujours empêché de jouer au garçon : sois polyvalent, disais-tu Eloïse. Mais il y a un repère, un dernier repère qui existe encore, le seul que vous n'avez pas pu me supprimer, c'est mon corps. Je suis un homme... et vous êtes des femmes. Je n'ai pas de vagin , jamais je ne pourrais être fécondé et porter un enfant, le voir sortir de moi. Ma réalité, ma réalité corporelle, c'est quoi? Je suis l'essence même du masculin. Il y a la vie, c'est à dire la naissance et la mort, l'homme et la femme. Vous avez tort : les fantasmes des uns et des autres - votre idéale hors des hommes - ne permet pas tout. Vous voulez détruire l'immémorial, détruire l'anthropologie humaine mais... mon avenir, c'est élémentaire comment dirait Watson, c'est d'être un homme, un mâle, un père, et de l'assumer pleinement. Je vous le dis : l'homme existe ! Vous pouvez nier le réel, vous pouvez nier l'existence, vous pouvez vouloir détruire le monde d'hier, mais je suis un homme, et vous êtres des femmes. Mes fils seront des garçons, leurs sœurs seront des filles, mes filles, venus au monde comme toujours les garçons et les filles sont venus au monde : je le serai pas leur donneur de gamètes, je serai leur père, leur Papa, et ils auront une mère. C'est cruel mais vous ne m'avez pas porté dans vos deux ventres, un seul ventre m'a porté et m'a donné le jour, et il a bien fallu à un moment donné qu'un homme passe par là, en tout cas sa semence. L'homme est obligatoire. Et j'enseignerai, je transmettrai - sans fanatisme - à mes fils, à mes filles, les repères élémentaires de l'existence pour qu'ils se construisent comme ce sont toujours construits les êtres humains et les rapports - complémentaires - entre les hommes, les pères, et les femmes, les mères. Et je vous jure, qu'à la fin de leur puberté ils ne manqueront de rien pour savoir qui ils sont.
- Comme tu es rétrograde !
- Je porte les gènes de mes ancêtres. Grâce à vous deux, je ne sais pas qui ils sont côté paternel, mais je suis leur fruit. Des millions et des millions de jeunes hommes savent d'où ils viennent, le père, le grand-père, l'arrière-grand-père... le patronyme transmet... même cela vous m'en privez.
- A tes dix-huit ans tu pourras savoir qui est l'homme qui a donné ses gamètes.
- Par un incroyable arbitraire, un abusif interdit : il n'y a pas de père, « il n'est pas nécessaire d'avoir un père », m'avez-vous toujours rabâché, et bien, ça ne marche pas.
- Tu es à la crise de l'adolescence, tu veux révolutionner le monde, tout mettre par terre, c'est bien normal.
- Je m'accomplirai, la phrase de Kipling n'a pas encore été brûlé, vous ne pourrez jamais l'ôter du monde et des siècles de son histoire, vous ne me l'avez pas transmise, mais je la connais... t'inquiètes pas : je serai un homme, Papa.
- Mais c'est quoi être en homme, pour toi?
- Ce que ça a toujours été.
Photo : Insadco / Imago / Sipa (juin 2019)
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