Habiter Lesbos


Ce week-end, 280 immigrants sont arrivés à Lesbos (dépêche d'hier lundi), « interceptés en pleine mer par les navires de l'agence européenne de contrôle des frontières (FRONTEX) et des gardes-côtes grecs ».
Un soir de la semaine dernière (jeudi), ils ont été 546 à arriver sur treize barques. Lesbos est à moins de quinze kilomètres des côtes turques. « Une hausse sans précédent », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, qui a convoqué aussitôt l'ambassadeur turc en Grèce pour lui exprimer « son fort mécontentement » et lui rappeler les obligations de la Turquie en vertu de la déclaration UE-Turquie de mars 2016 (une déclaration commune qui prévoit une limitation géographique sur la circulation des immigrants en Grèce). Le ministre a également informé l'Union européenne de cette hausse : c'est une question qui est « d'intérêt principalement européen », a précisé Nikos Dendias à la presse.Sur l'île, le centre d'enregistrement et d'identification des immigrants demandeurs d'asile (hotspot) de Moria est saturé : près de 11 000 immigrants y sont abrités, quand la capacité du centre est de 2 700. « Les îles ont atteint leurs limites», a indiqué à l'AFP, Alexandros Konstantinou, l'avocat du Conseil grec des réfugiés (GCR), une ONG d'assistance aux immigrants, qui coopère avec le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) indique que « 3 250 arrivées » ont été enregistrées durant les quinze premiers jours d'août à Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos, les cinq îles qui ont des centres d'enregistrement et d'identification. 3 250 arrivées en quinze jours contre 5 520 pour le mois de juillet et 2 079 en janvier.
« Malgré cette augmentation du flux des migrants (sic) nous ne sommes pas au niveau de 2015 », a commenté le représentant de la Commission européenne pour la coordination et la gestion migratoire sur les îles, Anastassis Fragos. Donc, tout va bien dans les îles de Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos ; pas de panique.
A Skala Sykamineas, le petit village de pêcheurs au nord de Lesbos où ont débarqué les 546 immigrants, les habitants n'en peuvent plus. Les habitants? Quelqu'un nous parlent d'eux? Ont-ils des associations humanitaires de défense? Les habitants craignent une explosion des arrivées et une réédition de la crise migratoire de 2015. Ils n'ont pas de cœur, ces habitants.
Dans un article, France 24 , grâce à l'AFP nous parle de Lesbos : « Wasek, 25 ans, est arrivé avec les dix membres de sa famille il y a une semaine, et dort à l'extérieur du camp (sic) [de Moria] sur de simples couvertures grises. Parmi les plaids, un bébé de huit mois. "Nous avons un bébé, ma mère est très malade... Nous ne pouvons pas rester dans ces conditions très longtemps, surtout que les températures vont commencer à baisser", confie le jeune Afghan à l'AFP ». C'est quand même plus vendeur que les craintes des Lesbiotes. Et c'est plus vendeur également d'écrire « camp » pour parler du centre d'enregistrement et d'identification de Moria.

Je ne suis pas honnête : dans l'article les AFP/France 24 donnent la parole à une habitante : Elpiniki Laoumi ; elle a une taverne sur la plage de Skala Sykamineas. « Je ne pourrai jamais oublier les milliers de personnes qui ont débarqué sur la plage pendant l'été 2015... Des enfants, des familles, traumatisés par une traversée difficile ».
« Jusqu'à mille exilés (sic) par jour arrivaient ici depuis les côtes turques voisines sur des canots gonflables, écrit le journaliste. Quelques gilets de sauvetage et canots pneumatiques dégonflés restent visibles de manière éparse, mais le paysage ne ressemble en rien à celui de l'été 2015 ».
Non, vraiment, ils parlent des habitants. Tenez, AFP/France 24 cite Stella, une Grecque, née à Lesbos et qui a émigré en Australie mais revient en vacances sur l'île : « Cela me fait toujours de la peine de voir des jeunes quitter leur pays et venir sans rien dans un nouveau pays parce qu'ils n'ont pas d'autre choix [...] Beaucoup d'habitants se plaignent des réfugiés (sic), et pensent qu'ils viennent par choix. Mais moi je sais ce que c'est qu'être réfugiée et ce n'est jamais facile ! »
Beaucoup d'habitants? mdr

Peut-être n'a-t-on pas dit que le mois de juillet 2019 a était le mois comptant le plus grand nombre d'arrivées d'immigrants à Lesbos depuis mars 2016, que rien qu'en août, ils ont été trois mille. Les habitants? Je ne lis me pas un journaliste qui me dit combien il y a d'habitants sur l'île.
Quoi, ça a vraiment de l'intérêt, Vous voulez pas plutôt que je compte les centaines de gilets de sauvetage laissés par ci et par là? Les journaux ont tout un stock de photos les montrant, telle des montagnes sur les plages. Vous les avez forcément vus.
1 632 km2, 320 kilomètres de littoral, deux grandes baies intérieures, le golfe de Gera caché derrière Mytilène, et celui de Kalloni. 105 194 habitants, là-bas à lest, tout coincé contre le golf turc de Adramyttion (c'est vraiment comme collé, à la côte turque, du rivage de Lesbos, on voit la Turquie). Là, le nom du golfe, je le donne en grec, en turc c'est le golfe de Edremit.

Ils seraient des centaines de milliers, là-bas sur la terre turque, cette Asie Mineure, retenus par Erdoğan, Syriens, Afghans, Irakiens, Iraniens, un Erdoğan qui parfois menace l'UE d'ouvrir les portes et les fenêtres sur la Grèce et laisser passer, tous, peut-être plus d'un million, deux millions, de quoi (il l'a dit une fois) submerger l'Europe et la couler).

Les habitants? Les Grecs? Qu'elle importance dans cette double prises d'otages? « Ils sont tristement habitués à cette situation » (La Croix, hier 2 septembre), et de toute façon, il faut « aider les vivants [...] ceux qui ont échoués », car il y également les corps de celles et ceux, immigrants, qui sont morts dans « l'indifférence ». A un moment, il y a eu des Turcs fuyant les répressions qui ont suivi la tentative de coup d'Etat du 15 juillet 2016, on doit les aider...
L'AFP nous a remis le couvert hier avec un nouvel article, cette fois trouvé dans Le Temps. « Entre misère et souffrance ».
« Les réfugiés (sic) du camp (sic) saturé de Moria sur l'île de la mer Egée espèrent tous "sortir vite de cet enfer" dans l'attente [...] des premiers transferts vers le continent annoncés par le gouvernement d'Athènes. Un chapelet de citations :
« Je rêvais d'aller au Canada, mais maintenant je veux juste avoir une vie paisible loin de Lesbos », Mohamed Aliko, réfugié kurde d'Afrine (mis en grosses lettres comme inter-titre) ; « nous devons faire la queue pour tout, pour la nourriture, pour les douches... Nous ne nous sentons pas en sécurité, il y a quelques jours un jeune adolescent a été poignardé dans le camp (sic) », Fahimeh Nourmohammadi (elle « survit depuis 20 jours dans des conditions très difficiles », souligne l'AFP, relayé par Le Temps) ; « J'espère sortir vite de cet enfer », Mohamed Akberi, un jeune Afghan de vingt-et-un ans, « suffoquant sous la chaleur des tentes dans le camp (sic) de Mori », nous précise l'AFP/Le Temps, arrivé à Lesbos cinq jours plus tôt, « mais les autorités donnent la priorité aux familles et aux personnes malades, je risque malheureusement d'attendre longtemps ».
Les Lesbiotes dans ce nouvel article? 546 immigrants jeudi, 28 samedi... que dit, que pense le pêcheur, les pêcheurs du coin, de l'île? Une petite photo le montrant au travail? Ô non ! ce serait hors sujet. L'AFP écrit : « Le gouvernement grec réuni en urgence samedi a décidé le transfert rapide des mineurs non accompagnés et des personnes les plus vulnérables des îles vers le continent mais aussi la suppression des procédures d'appels aux demandes d'asile pour faciliter les retours des réfugiés en Turquie. Sur la côte nord de l'île où les canots pneumatiques chargés d'exilés (sic) débarquent le plus souvent, la surveillance a été renforcée dimanche. Une équipe de l'AFP a pu constater les allers et venues des patrouilleurs en mer, et la vigilance accrue des policiers surveillant l'horizon aux jumelles sur les rives grecques ».
« A quelques kilomètres de là, à Moria, tentant d'échapper au soleil étouffant [...] Paul, un Congolais de 32 ans qui a effectué un long périple avec ses trois enfants et sa femme avant d'arriver à Lesbos, ose espérer que "l'Europe va prendre des mesures pour changer la situation à ses frontières". "Nous sommes passés de la misère à la souffrance... Nous ne pouvions pas imaginer que nous serions accueillis ainsi en Europe", déplore, fatigué, le trentenaire » (et l'article se termine sur ces mots).
Voilà pour les habitants de l'île de Lesbos, les oubliés, volontairement oubliés.

Hier matin, 635 immigrants Afghans présents sur l'île de Lesbos saturée ont embarqués sur le navire Caldera Vista et ont été conduits au port de Thessalonique au nord de la Grèce continentale, d'où ils ont rejoint le centre de Nea Kavala dans la petite ville de Kilkis (28 000 habitants) à une cinquantaine de kilomètres dans les terres. Environ 700 autres Afghans ont vévu le même transfert dans l'après-midi (opérations menées dans le cadre de la décision du gouvernement d'améliorer la situation dans le centre de Moria de Lesbos).

Source : AFP/Fance 24 ; La Croix ; Le Temps

Photo : un pêcheur lesbiote du village de Skala Sykaminea, non visité par une équipe de l'AFP

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