Pologne, Hongrie : la forme !
La Commission européenne prévoit que Malte aura la plus forte croissance de l'UE cette année. Juste après viennent la Pologne et la Hongrie. Elle prévoit pour ces deux pays un PIB en hausse de 4,4% en 2019.
Rien qu'au premier trimestre 2019, les données Eurostat (direction générale de la Commission européenne chargée de l'information statistique communautaire) montrent que le PIB polonais a augmenté de 1,5% : c'est la troisième plus forte croissance trimestrielle de toute l'UE, après l'Irlande (2,4%) et la Croatie (1,8%). Le PIB de la Hongrie a eu également une croissance de 1,5% au premier trimestre, se plaçant ainsi ex-aequo avec la Pologne.
Pour comparer, la croissance trimestrielle a été de 0,5% pour l'ensemble de l'UE et de 0,4% dans la zone euro (la Pologne et la Hongrie ne sont pas dans l'euro). Entre le premier trimestre 2018 et le premier trimestre 2019, soit sur un an, le PIB polonais a crû de 4,7%. Dans l'ordre voici :
- Irlande : 6,3%,
- Hongrie : 5,3%,
- Roumanie : 5,0%,
- Bulgarie : 4,8%,
- Malte : 4,9%,
- Pologne : 4,7%.
Les productions industrielles polonaise et hongroise sont en forte croissance : respectivement 5,1% et 6,1% entre mai 2018 et mai 2019, malgré une stagnation dans l'ensemble de l'UE (+ 0,4%) et une très légère récession pour la zone euro (– 0,5%) durant la même période.
Côté emploi, la Pologne et la Hongrie connaissent des taux de chômage proches du plein emploi : pour un taux UE moyen de 6,3% et 7,5% en zone euro, le chômage était à 3,8% en Pologne et 3,4% en Hongrie en mai (ce serait des taux jamais atteints depuis la chute du communismes en 1989 - même méthode Eurostat de calcul pour chaque pays).
Le président du Conseil polonais Mateusz Morawiecki, en fonction depuis décembre 2017, ne doit pas être mécontent, et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán (depuis 2010) non plus.
L'agence Eurostat de la Commission européenne constate une réduction de la dette publique de la Pologne et de celle de la Hongrie (année 2018) grâce à des déficits publics en baisse : 48,9% du PIB en Pologne et 70,8% du PIB en Hongrie (la moyenne 2018 de la dette publique est à 80% du PIB dans l'UE et 85,1% du PIB en zone euro).
Nota bene : la dette publique de la France pour 2018 était de 98,97% du PIB, au premier trimestre 2019 elle était de 99,6% (en augmentation de 2,7 % sur un an).
En 2008, à l'époque gouvernée par une coalition socialistes/libéraux dirigée par le socialiste Ferenc Gyurcsány, la Hongrie avait été contrainte de se tourner vers le FMI (deux ans avant la Grèce) et de contracter un prêt en raison de la crise financière qui l'avait frappée à partir de 2007 et de sa dette publique massive (65,5% du PIB) qui ne lui permettait plus de financer ses dépenses (déficit public à 66% du PIB en 2007). Gouvernée par la coalition Fidesz-KDNP depuis 2010, la Hongrie continue donc son redressement.
Comparée à la Grèce, en 2007, la Hongrie avait un déficit budgétaire de 5% du PIB contre 6,7% pour la Grèce, et la dette publique hongroise était à 65,5% du PIB contre 103% pour la dette grecque. La Grèce était néanmoins un pays nettement plus riche que la Hongrie en 2007, avec un PIB par habitant de 22 700 euro, soit 86% de la moyenne de l'UE, contre 10 400 euro par habitant en Hongrie, soit 39% de la moyenne de l'UE. Contrairement à la Grèce, quand la crise financière de 2007-2008 a éclaté, la Hongrie n'avait pas adopté l'euro et avait donc toujours sa propre monnaie. Elle avait originellement prévu d'adopter l'euro en 2007 ou 2008, mais en raison des importants déficits et du ralentissement consécutif à l'introduction de mesures d'austérité par Ferenc Gyurcsány, après les élections de 2006, les critères de Maastricht n'étaient pas respectés. Un premier projet de plan pour l'adoption de l'euro fut malgré tout présenté en 2008. Mais ensuite, après la victoire de la coalition Fidesz-KDNP aux élections de 2010, le premier ministre Viktor Orbán déclara d'abord en 2011 que la Hongrie n'était pas encore prête et qu'elle ne pourrait pas adopter l'euro avant 2020. Ensuite, en 2013, il annonça que l'adoption de l'euro ne se ferait pas tant que le PIB par habitant hongrois n'aurait pas atteint 90% de la moyenne de la zone euro. C'est très similaire à ce qu'ont déclaré les dirigeants du parti Droit et Justice (PiS) en Pologne, et qui a été redit par le premier ministre Mateusz Morawiecki en janvier dernier, à savoir que la Pologne rejoindra la zone euro quand les Polonais auront des revenus proches de ceux des Allemands.
Ainsi, à la différence de la Grèce qui n'avait plus sa propre monnaie, la Hongrie n'a pas eu à mettre en œuvre les plans d'austérité drastiques imposés par une troïka constituée de la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI). La gestion à distance par la troïka aurait fait perdre à la Grèce plus du quart de son PIB tandis que sa dette publique atteignait le niveau historiquement élevé de 181% l'année dernière, avec un chômage en légère baisse mais toujours à 18% de la population active.
La Grèce devra probablement « galérer pendant les années 2020 et jusqu'au début des années 2030 en restant au bord de l'insolvabilité sous la tutelle d'un commissaire étranger », lisait-on dans un article de The Telegraph en 2018, où on pouvait lire aussi ces mots d'expert du FMI : « Quand la crise a commencé en 2010, la dette représentait 120% du PIB. Huit ans plus tard, c'est 180% et l'économie grecque a été réduite du quart. Le résultat n'aurait pas pu être pire et le problème n'a absolument pas été résolu ».
Pendant ce temps, après l'annulation en 2013 par le gouvernement Orbán des mesures imposées à la Hongrie par le FMI, tout le solde restant de la dette liée au prêt de 2008 a été remboursé en avance au FMI. En outre, pendant la crise financière, le cours du forint hongrois a pu fluctuer librement en fonction de la situation économique et financière du pays, ce qui a donné à ses entreprises un avantage compétitif au moment où elles en avaient le plus besoin. Un avantage utile en temps de crise auquel la Grèce avait définitivement renoncé lorsqu'elle était passée à l'euro en 2001.
Si la Pologne était dans une bien meilleure situation financière que la Hongrie et la Grèce en 2007, les fluctuations de la monnaie nationale ont aussi beaucoup aidé l'économie polonaise après la crise financière de 2007-2008.
En 2007, le gouvernement libéral de Donald Tusk (novembre 2007/septembre 2014) avait fait de l'adoption de l'euro l'un de ses objectifs stratégiques et en octobre 2008 une feuille de route vers l'euro avait été élaborée(remplacement du zloty par l'euro en 2011). Le président de la République Lech Kaczyński et le parti qu'il a fondé en 2001, Droit et Justice (PiS), étaient contre l'idée de fixer une date pour l'abandon du zloty et le président de PiS, Jarosław Kaczyński, déclara qu'adopter l'euro dans un délai aussi court était « très risqué » et conduirait inévitablement à un appauvrissement de la société polonaise.
Avec la crise financière, et la détérioration des finances publiques qui s'ensuivit, il devint clair que la Pologne n'adopterait pas l'euro à l'échéance prévue et Donald Tusk abandonna l'idée de fixer une date pour le passage à l'euro (à l'époque, il faut le dire également, les sondages disaient que les Polonais n'étaient pas du tout favorable à l'abandon de la monnaie nationale).
La Grèce n'a pas coulé qu'en raison de la crise financière de 2007-2008. La Pologne et la Hongrie ont sans doute eu le nez creux de rester en dehors la zone euro. L'adoption de la monnaie européenne implique un transfert de souveraineté nationale qui a des implications politiques non négligeables. Le projet de budget annuel de chaque pays membre doit être accepté par la Commission européenne. Ce qui en clair veut dire que la Commission peut refuser le projet de budget d'un Etat membre. On a eu le cas l'an dernier avec la Commission qui a refusé le projet de budget du gouvernement italien selon la raison qu'un déficit de 2,4% du PIB été prévu dans ce projet. Or, la règle, l'obligation, est de ne pas dépasser 3% du PIB. Mais la Commission retoqua l'Italie (c'était la coalition Di Maio/Salvini), pourtant dans les clous du 3%. Si ça n'avait été que cela... C'est éminemment politique : la même Commission, au même moment, accepta le projet de budget de la France qui dépassait pourtant les 3% du PIB (pour une raison même pas cachée : le président Emmanuel Macron « reste un ferme partisan de l'Union européenne »).
Une étude publiée cette année pour le 20e anniversaire de l'euro par le think-tank allemand Centrum für Europäische Politik montre que la monnaie unique européenne a fait des gagnants et des perdants parmi huit pays observés (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, France, Espagne, Portugal, Italie et Grèce). Selon les auteurs de l'étude, l'Allemagne a été le premier gagnant de l'introduction de l'euro, la monnaie unique ayant ajouté 1 893 milliards d'euro à son PIB entre 1999 et 2017, soit un gain net de 23 116 euro par habitant. Les Pays-Bas sont le deuxième gagnant avec un gain net de 21 003 euro par habitant. La Grèce obtient un gain de 190 euro par habitant. Pourquoi si peu? Les deux économistes signataires de l'étude, Alessandro Gasparotti et Matthias Kullas, expliquent ce faible gain par le fait que la Grèce « s'est beaucoup enrichie entre 2001 et 2010 grâce à l'adoption de l'euro, alors que tous les autres pays étudiés ont été perdants ». Même l'Allemagne !
Sur cette période 1999 à 2017, soit en dix-huit ans, l'Espagne a perdu à 5 031 euro par habitant, la Belgique 6.370 euro, le Portugal 40 604, la France 55 996 et l'Italie 73 605.
Source : Eurostat, Visegrád Post ; étude du Centrum für Europäische Politik
Photo : les mines de sel de Wieliczka près de Cracovie au sud de la Pologne, patrimoine mondial de l'Unesco ; célébrations de la révolte de 1848 sur les marches du musée national à Budapest le 15 mars 2019 ; le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki durant son discours à Budapest lors de ces célébrations (Visegrád Post).
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