Libye : du colonel au maréchal
Le rivage italien n'est qu'à 300 kilomètres de la Libye et malgré les violences persistantes depuis 2011, ce pays reste un important point de transit pour les immigrants qui partent d'autres régions d'Afrique et du Moyen-Orient et veulent rejoindre l'Europe. Ils seraient 660 000 à se retrouver bloqués là comme dans un cul-de-sac. Début juillet, l'aviation du maréchal Haftar a lâché une bombe sur un centre de rétention à 15 km de Tripoli (à Tajura) abritant principalement des immigrants érythréens et soudanais. Bilan : soixante morts et quatre-vingts blessés. « Le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) et les ONG assistent impuissants au désastre humanitaire qui touche les milliers de migrants piégés par la guerre en Libye et par la barrière invisible installée par l'Europe sur ce côté de la Méditerranée », écrit dans Le Parisien daté du 5 juillet Philippe Martinat. L'Europe co-responsable. « La plupart des migrants internés dans les centres ont été interceptés en mer par des gardes-côtes libyens sous l'autorité de Tripoli. Si d'autres réfugiés parviennent à survivre en occupant de petits boulots, d'autres sont parfois réduits en esclavage, comme l'avait montré en 2017 un saisissant reportage de CNN ».
Le Gouvernement d'Union Nationale accuse l'armée du maréchal Haftar d'avoir volontairement bombardé le centre de réfugiés de Tajura. Les latitude et longitude du centre avaient été données aux deux camps par l'Onu pour, justement, qu'elles l'évitent. Dans un communiqué, l'ANL a déclaré que le GUN abritait des unités de miliciens à côté du centre de rétention et que le bombardement visait ses unités, pas les immigrants.
Donc, cible manquée. « Conscients de la vague mondiale de réprobation provoquée par un acte touchant des victimes innocentes et retenues contre leur gré dans un centre de rétention, chaque camp instrumentalise sans vergogne les réfugiés en espérant que la condamnation internationale affaiblira son ennemi ». L'Onu a certes reconnu le GUN mais Fayez al-Sarraj accuse Khalifa Haftar de recevoir du soutien militaire de puissances étrangères. Les Emirats Arabes Unis, l'Arabie saoudite, l'Egypte, les Etats-Unis, la Russie et, plus discrètement, très discrètement, la France, soutiennent diplomatiquement parlant le maréchal Haftar. En fait les deux camps s'accusent mutuellement de recourir à des mercenaires étrangers et de bénéficier du soutien militaire de puissances étrangères. Le 7 mai dernier, les troupes loyales au maréchal ont annoncé avoir abattu un Mirage F1 du Gouvernement d'Union Nationale dans la région d'al-Hira à 70 km au sud de Tripoli et arrêté son pilote : « un mercenaire portugais » âgé de 29 ans.
« Ancien officier de l'armée libyenne ayant fait défection à la fin des années 1980, le maréchal Khalifa Haftar, né en 1943, a été formé en partie dans l'ancienne Union soviétique et vécut plusieurs années en exil aux États-Unis, avant de rentrer en 2011 à Benghazi, la grande ville de l'Est libyen. Il s'est forgé une stature grâce à ses campagnes militaires contre des groupes islamistes dans l'est et le sud de la Libye. Depuis le début de la crise libyenne, il se présente comme le seul homme à même de garantir la stabilité de son pays et d'écraser les mouvements jihadistes. Un discours qui a trouvé des oreilles attentives notamment à Paris, Moscou, et au Caire. Et plus récemment à Washington. Son rival, Fayez al-Sarraj, peut lui compter sur l'appui du Qatar et de la Turquie. » (Marc Daou, France 24, 4 mars 2019).
Photo : le maréchal Khalifa Haftar à Benghazi le 7 mai 2018 ; le maréchal Khalifa Haftar et le président de la République arabe d'Egypte, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, le 14 avril 2019 au Palais présidentiel du Caire lors de la remise à l'Egypte d'un chef djihadiste égyptien recherché par le Caire (Hicham el-Achmawy a été arrêté au cours d'une opération militaire dans la ville de Derna, dans l'est de la Libye, par les forces du maréchal Haftar) ; emplacement géographique de la Libye
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