Grèce : sur la ligne de front
Ils débarquent sur les îles toutes proches des côtes turques : Lesbos, Samos, Chios, Kos et Leros. Ils sont principalement Afghans et, fait notable, ce sont moins des jeunes hommes seuls que des familles. « Depuis le 7 juillet, il n'y a pas eu un seul jour sans arrivée », commente le ministre, qui est également chargé de la politique de migration du nouveau gouvernement conservateur (en place depuis le 8 juillet, Premier ministre Kyriákos Mitsotákis). Rien qu'avant-hier lundi, sur ces cinq îles le chiffre « a dépassé les 20 000, ce qui constitue une augmentation de 17% en quelques semaines ».
C'est surtout Lesbos qui trinque. Petite île montagneuse habitée par à peine un peu plus de 100 000 habitants, elle fut pendant la crise migratoire de 2015 la principale porte d'entrée des immigrants (essentiellement des Syriens, mais aussi des Irakiens et des Afghans). Désignée durant cette crise l'un des cinq points d'accueil - « hot spots » - par un programme de relocalisation de l'Union-européenne, Lesbos aujourd'hui, comme les quatre autres points d'accueil, n'en peut plus : les capacités sont dépassées depuis longtemps (et les relocalisations ne se font plus depuis deux ans) : Lesbos accueille en ce moment le triple de ce qu'elle peut (idem pour les quatre autre points d'accueil), il y a sur l'île une réelle surpopulation d'immigrants. Elle est, maintenant depuis des semaines, l''entrée privilégiée d'un « corridor » choisi par les passeurs et qui remonte vers Alexandroupoli sur le continent en passant part l'ile de Samothrace. Vendredi dernier, le 9 août, pas moins de six bateaux chargés de 250 immigrants chacun sont arrivés à Lesbos.
Geórgios Koumoutsákos parle d'une « très difficile équation » pour la Grèce, « un pays sur la ligne de front, qui sert aussi de frontière extérieure pour l'Europe » (comprendre Union-européenne ; c'est le même problème qu'entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine). Le pays « a épuisé ses capacités sur ce plan [et] attend avec impatience une coopération efficace de la Commission européenne et de ses pays membres ».
Alors pourquoi les journaux ne parlent-ils que des 356 immigrants de l'Open Viking au large de la Libye? 1 500 immigrants arrivés à Lesbos en une journée ! Parce que c'est l'indignation qui prime, et l'indigne c'est laisser 356 migrants sans port où débarquer. Quel intérêt aurait Richard Gere à aller soutenir les Lesbiotes et aider à la médiatisation de leurs problèmes? Ils sont des problèmes? 356 humains bloqués en mer, c'est pain béni, les voir allongés sur le pont, leurs linges séchant sur des fils, et on ne leur donne pas un port ou débarquer au nom de leur droit international à la migration? Le droit des Lesbiotes à rester tranquille sur leur île, ça, franchement, on s'en tape. Et qu'importe que la Grèce ait a gérer mille arrivées par jour : ces "migrants", eux, au moins sont en sécurité, ils sont arrivés... Qu'importe la vie des Lesbiotes ! Nous même ici, on se fiche bien de la vie des Calaisiens... Les Lesbiotes ne sont pas la priorité des SOS Méditerranée et autres passeurs de clandestins à forcer nos Etats, à violer nos droits fondamentaux de décider nous, les peuples, de ce qui se passe dans nos pays. On impose pas aux peuples ce qu'ils ne veulent pas. Le défi est là, aussi vrai qu'un ras-le-bol partout dans les populations. Des populations rétives qu'on accable de mots tels que « xénophobes », » racistes », quand ce n'est pas les accuser de favoriser le retour à la lèpre (Macron) et aux Mussolini (hier encore Michèle Cotta hier dans Le Point), et bien entendu Hitler (le pape François).
La prochaine Commission européenne, avec à sa tête l'Allemande Ursula von der Leyen, saura-t-elle mieux répondre à ce défi? Tiendra-t-elle compte des peuples? Ursula von der Leyen a déclaré la semaine dernière avoir placé « la question migratoire très haut sur sa liste des priorités ». Elle entend proposer « un nouveau pacte pour les migrations et l'asile » pour répartir les efforts au sein de l'Union européenne : répartir les efforts, voilà le programme, répartir les immigrants dans les pays. Pas un mot sur une politique de renvois des clandestins. La nouvelle Commission (législature 2019-2024) entrera en fonction le premier novembre prochain (dans deux mois et demi), d'ici là...
Le ministre de la Protection du citoyen, Geórgios Koumoutsákos, dit « espérer » un accord prochain sur une réforme de l'asile « sur la base d'une solidarité concrète et authentique. [...] En attendant, la Grèce a hâte de voir la mise en place de mécanismes européens de transition pour d'une part, un plus juste partage du fardeau et d'autre part, une politique de retours plus efficace vers les pays tiers [...] Il y a eu plus de demandes d'asile à Lesbos et à Samos en 2018 qu'en Autriche et en Finlande respectivement », alerte Geórgios Koumoutsákos. Mais qui va l'entendre? « [...] des dizaines de milliers de demandes étaient en attente » lorsque ce gouvernement a succédé à celui de Aléxis Tsípras, dont 30 500 déposées au cours des six derniers mois.
Personne ne l'entendra car l'indigne n'est pas d'abandonner le peuple grec comme hier on a abandonné le peuple italien, ce sont les quelque 506 migrants à bord des Open Arms et Ocean Viking. Les autochtones de Lesbos, Samos, Chios, Kos et Leros, franchement... mais comme de l'an quarante ! Ça ne vaut rien, médiatiquement, la vie pourrie de ces gens par des milliers d'immigrés clandestins (et l'autre qui se croit protecteur du citoyen grec, non mais je rêve). Les Lesbiotes, les Lampedusiens, les Maltais, les Calaisiens, mais alors là, oui : comme de l'an quarante (ça vaut même pas un tweet).
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) confirme tout de même (des fois que le ministre grec inventerait les choses) que les capacités globales d'accueil sur l'ensemble du territoire grec sont à saturation. Il dit voir également une augmentation des arrivées dans les îles proches de la Turquie et savoir que les cinq « hot spots » union-européens sont surpeuplés. « Il y a plusieurs causes à cette situation sur les îles », explique un porte-parole du HCR pour la Grèce, Boris Chershirkov. « D'abord l'augmentation du nombre d'arrivées, ensuite la capacité d'accueil des îles - 5 400 places dans les hot spots - puis la procédure de la demande d'asile, qui forme un goulot d'étranglement. Enfin, il y a la question des capacités d'accueil globales du pays. La Grèce depuis 2015 a considérablement augmenté sa capacité d'hébergement, il y a de la place pour 50 000 personnes aujourd'hui. Il y a 26 camps, le HCR propose aussi 25 000 places de logement en appartement, et puis il y a les gens qui sont dans des hôtels, etc. Malgré cela, la Grèce a atteint ses limites. [...] Et l'une des raison, c'est que même si on peut féliciter l'Union européenne pour la relocalisation de plus de 20 000 personnes entre 2015 et 2017, le fait est que ce programme a pris fin depuis deux ans et rien n'est venu le remplacer, alors qu'il est urgent qu'on ait un système de partage des responsabilités. C'est l'un de nos appels à l'UE, un système solide de partage de l'accueil des migrants (sic) et de la responsabilité qu'assume la Grèce ».
Là encore, rien sur un possible programme de renvoi des immigrants vers leurs pays d'origine, pas même l'ombre d'un projet union-européen digne d'un Ellis Island, soit des réels services d'immigration qui permettent, après inspection des personnes et des demandes, de savoir qui on accueille sur nos territoires, j'allais écrire : chez nous, et qui on n'accueille pas.
Photo : la mer Egée , la ville de Mytilène (Μυτιλήνη) sur l'île de Lesbos (Λέσβος)
Source : Le Point
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