Une boîte de Pandore
Et aussitôt je pense : donc quand on veut on peut? Mais avant tout autre détail explicatif ou de simple perspective, le sous-titre de l'article me guide : « Des ONG dénoncent des renvois illégaux ».
De quoi s'agit-il? « Les autorités turques mènent depuis deux semaines une vaste opération qui a conduit à un coup de filet et à l'arrestation de milliers d'étrangers clandestins, dont bon nombre de Syriens » (3,5 millions de Syriens demandeurs d'asile se sont installés en Turquie après avoir fui leur pays depuis le déclenchement guerre civile en 2011, 547 000 d'entre eux sont enregistrés à Istanbul).
D'autres, beaucoup d'autres Syriens, mais également beaucoup d'Afghans, sont arrivés sur le territoire turc et y demeurent clandestinement (et beaucoup d'autres encore sont partis, et partent encore, vers l'Europe de l'Ouest, notamment l'Allemagne).
Ces arrivées et ces installations massives ont déclenché un fort sentiment anti-immigration syrienne chez les Turcs. Un sentiment qui a semble-t-il fait son poids dans les urnes stambouliotes lors de l'élection municipale du 23 juin dernier en faveur de l'opposant à Erdoğan, Ekrem Imamoglu. On peut donc penser que cette vaste opération spectaculaire menée à Istanbul à des raisons politiques. Durant cette campagne électorale pour les municipales, les réseaux sociaux turcs avaient véhiculé un discours anti-Syriens très fort (avec le #LesSyriensDehors) et selon une étude menée par l'Université Kadir Has d'Istanbul, 67,7% des Turcs seraient actuellement contre la présence des Syriens en Turquie (ils étaient 54,5% en 2017).
« Nous menons une opération depuis le 12 juillet », explique Süleyman Soylu, ministre de l'Intérieur. « Nous avons attrapé 6 122 personnes à Istanbul, dont 2 600 Afghans. Une partie de ces personnes sont des Syriens ».
Quant à l'accusation des ONG, le ministre dément tout renvoi ou expulsion de Syriens vers leur pays. « [...] nous ne pouvons pas les expulser [...] Lorsque nous attrapons des Syriens qui ne sont pas enregistrés, nous les envoyons dans des camps de réfugiés ». Par exemple dans celui installé à la frontière turco-syrienne dans la province turque de Hatay.
Aux clandestins vivant à Istanbul, il faut ajouter des immigrants qui se sont fait enregistrés dans d'autres provinces turques avant de venir s'installer à Istanbul et qui de ce fait ne sont pas clandestins, ils ont une carte de séjour, dite carte de protection temporaire, mais sont malgré tout en situation irrégulière car pas dans la région où ils devraient être. C'est apparemment avec cette carte de séjour que jouent les ONG, qui sont syriennes. Elles affirment que « plus de 600 Syriens », pour la « plupart » titulaires de la carte ont été arrêtés la semaine dernière à Istanbul et renvoyés en Syrie. Des Syriens titulaires de cartes de séjour, oui, mais pas délivrées à Istanbul... donc pas en situation régulière.
Le 29 juin dernier dans le quartier de Küçükçekmece à Istanbul, une émeute anti-Syriens a éclaté suite à la propagation d'une rumeur selon laquelle un garçon syrien aurait injurié une jeune fille turque de 12 ans. Une foule en colère composée de jeunes hommes s'est rassemblée sur l'avenue Âşık Veysel et s'en est prise à des magasins avec des enseignes en arabe et notamment des magasins et restaurants appartenant à des réfugiés syriens. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser la foule des jeunes gens. Le lendemain dimanche, le même scénario s'est déroulé au même endroit. 15 à 25% de la population de ce quartier seraient syrienne.
Autre source : Middle East Eye ; 7 sur 7
Photo : des partisans de Ekrem Imamoglu, le nouveau maire d'Istanbul, défient le pouvoir du président de la République Erdoğan (Yasin Akgul/AFP) ; des enfants syriens dans un camp pour réfugiés en Turquie en 2016
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